
Le document définissant la stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis publié par l’administration Trump déstabilise bon nombre de pays d’Europe. Certains, qui ont durant des décennies compté sur l’Amérique pour leur sécurité, se retrouvent orphelins. D’autres, comme la France ou la Grande-Bretagne, qui ont construit une autonomie stratégique, bien qu’imparfaite, craignent surtout un renversement d’alliance qui mettrait l’Ukraine en situation d’être lâchée dans sa confrontation armée avec la Russie.
Pourtant, ce document aussi idéologique que stratégique ne dévoile rien de très nouveau de la part du pouvoir actuel à la Maison-Blanche. JD Vance a Munich, le président Donald Trump et ses relais ont déjà dit et répété leur vision « hutingtonnienne » (choc des civilisations) de l’ordre mondial et encouragé les partis dits « patriotiques » et antieuropéens à déconstruire l’Union européenne.
Ce document qui veut affirmer une domination totale des Etats-Unis sur le monde ne peut se satisfaire d’une Union européenne qui gêne cette domination, notamment en voulant réguler les réseaux sociaux, principal vecteur de la guerre culturelle Maga. L’amende de 120 millions d’euros visant X, le media d’Elon Musk, et la réaction de ce dernier appelant à « démanteler l’Union européenne », en est un dernier et parlant exemple. L’Amérique trumpiste préfère évidemment des pays du Vieux-Continent vassalisés à une Union bien qu’imparfaite mais capable par son union de lui dire non, au nom de ses valeurs et de ses intérêts.
Ce document doit par ailleurs être relativisé dans sa portée. En effet, elle n’est que l’expression idéologique d’un pouvoir qui est encore dépendant d’un fonctionnement démocratique. Les mid-terms se profilent dans un an, novembre 2026 et les médias américains commencent à parler de « lame duck (canard boîteux) » à propos du président Trump. Plusieurs signaux viennent en effet montrer que l’obéissance aveugle des élus républicains et même d’une partie des voix du monde Maga n’est plus unanime. Trump fait désormais moins peur que certains signaux électoraux avant l’échéance de novembre 2026 ou certains dossiers qui embarrassent cette présidence.
Les élus républicains commencent à s’inquiéter de l’ombre portée de Trump sur leur réélection
Tout d’abord, les résultats des élections législatives partielles du Tennesse ont résonné comme un coup de semonce dans le camp républicain. Dans cet état qui est un fortin inexpugnable du GOP, leur candidat ne l’a emporté que de 8% alors que la marge d’avance des précédents scrutins se situait autour de 20 points. « Nous sommes littéralement à trois personnes de perdre la majorité » à la Chambre des représentants, avait déclaré le candidat Tim Burchett avant son élection.
Après les défaites du camp de l’éléphant en Virginie et dans le New Jersey, les élus républicains commencent à s’inquiéter de l’ombre portée de Trump sur leur réélection. S’il était par ailleurs probable que le candidat démocrate l’emporte à la mairie de New York, le fait que ce soit Zohran Mamdani, musulman ouvertement socialiste, l’emporte a créé aussi un trouble au sein de Maga. Pourquoi? Parce que le président Trump avait menacé de couper les fonds fédéraux à la plus grande ville américaine en cas d’élection de Mamdani et au lieu de cela, il s’est exhibé tout sourire auprès du nouvel élu devant les caméras. Pour le camp Maga, c’est une trahison. Pour les républicains, un nouveau signe que les menaces trumpistes font pschitt.
Le taux d’approbation du président Donald Trump est tombé à son niveau le plus bas depuis son retour à la Maison-Blanche,
/
Autre symptôme du lame duck Trump, le président a du céder aux injonctions des élus républicains concernant la publication des pièces du dossier du pédocriminel Epstein. La démission de Marjorie Taylor Greene, une des plus loyales supportrices de Trump, sous un flot d’insultes du président sur son réseau Truth social, au nom de la vérité et de la défense des jeunes femmes victimes de ce réseau pédocriminel proche du pouvoir politique et financier, est un autre symptôme du malaise.
Malaise que l’on mesure aussi au baromètre de l’opinion. Selon un sondage Reuters Ipsos, le taux d’approbation du président Donald Trump est tombé à son niveau le plus bas depuis son retour à la Maison-Blanche, les électeurs étant de plus en plus frustrés par l’inflation persistante et le coût de la vie. Il recule même de 6 points dans le socle républicain, passant de 88% à 82%. Par ailleurs, les spéculations sur son état de santé et de forme déclinants se font de plus en plus présentes.
S’il est vrai que l’Europe a perdu du terrain sur le plan économique et commercial, ce n’est enfin pas en renonçant à sa puissance d’intervention commune qu’elle parviendra à conserver une place sur le marché tourbillonnant de l’intelligence artificielle et plus globalement des nouvelles technologies. Mais quand les idéologues Maga veulent affaiblir l’Europe, le monde économique américain dit « Attention ».
Le président de la première banque américaine,Jamie Dimon, patron de J.P. Morgan, l’a fait avec ses mots lors d’une conférence en s’adressant à des industriels du secteur de l’armement. « Une Europe faible, c’est mauvais pour nous, pour l’ensemble du monde libre et démocratique ». Faire exploser l’UE? « C’est exactement ce que nos adversaires veulent. Le chacun pour soi, la Chine ne demande que cela. L’Europe est un allié majeur à tous points de vue, y compris sur les valeurs communes », déclarait-il.
Il n’est pas sûr que la stratégie de sécurité nationale concernant l’Europe ne dure que le temps du trumpisme qui n’est déjà plus tout à fait triomphant.