
Soldats taïwanais à la parade.
La publication de la Stratégie de sécurité nationale de l’administration Trump et les déclarations de la première ministre japonaise ont remis Taiwan sous les projecteurs de la diplomatie mondiale. Dans le document de la Maison-Blanche, Taiwan figure dans une sous-section intitulée «Dissuasion des menaces militaires». On ne saurait être plus clair.
Taiwan était aussi présent dans les priorités stratégique de l’administration Biden. Et il intéressant de comparer les deux approches afin d’en souligner les différences. Pour les démocrates, la défense de Taiwan était une question de valeur. La stratégie de sécurité nationale de 2022 affirmait «ne pas soutenir l’indépendance de Taïwan», et réaffirmait une politique d’une seule Chine. La Stratégie de sécurité nationale de 2025 ne reprend aucune de ces formulations. Elle se contente de réaffirmer que «les États-Unis ne soutiennent aucune modification unilatérale du statu quo dans le détroit de Taïwan».
Dans un approche pragmatique, conforme à la doctrine « America first », Taiwan est regardée de manière plus pragmatique et moins idéologique que dans le document Biden de 2022. Taïwan est présentée comme une priorité «justifiée», en partie en raison de son leadership dans la production des semi-conducteurs. La position de l’île est par ailleurs regardée du point de vue géostratégique.
Pour l’administration Trump, il s’agit de dissuader un conflit concernant Taïwan en préservant la supériorité militaire
Elle donne en effet accès à la deuxième chaîne d’îles, également appelée «second nuage d’îles » par Earl Hancock Ellis , à savoir les îles Bonin et les îles Volcano du Japon, ainsi que les îles Mariannes, qui sépare l’Asie du Nord-Est et du Sud-Est en deux zones d’influence distinctes. Cette stratégie formulée par John Foster Dulles en 1951, vise à contenir militairement la Chine en contrôlant des lignes maritimes clés dans le Pacifique. La première chaîne d’îles va des Kouriles à Bornéo, en passant par la Corée, le Japon (îles Ryukyu) , Taïwan et le nord-ouest des Philippines.
La nouvelle stratégie américaine souligne également la vulnérabilité du commerce maritime, en notant qu’un quart du trafic maritime mondial transitant par la mer de Chine méridionale. «Une puissance potentiellement hostile pourrait ainsi imposer un système de péage sur l’une des voies de navigation les plus vitales au monde, voire pire, la fermer et la rouvrir à sa guise. Chacune de ces deux issues serait préjudiciable à l’économie américaine», précise le document de la Maison-Blanche.
La sécuriser est donc un intérêt national pour les Américains. La suite en découle: il s’agit de dissuader «un conflit concernant Taïwan, idéalement en préservant la supériorité militaire». L’administration Trump en fait même une priorité.
«Cette préservation d’un avantage militaire nécessitera non seulement des investissements accrus dans nos capacités militaires, notamment navales, mais aussi une coopération étroite avec toutes les nations susceptibles d’en pâtir, de l’Inde au Japon et au-delà», indique le document. Et comme vis-à-vis des pays de l’OTAN, Trump demande à ses alliés de la région Indo-Pacifique d’augmenter leurs investissements en matière de défense mais aussi de faciliter l’accueil des forces américaines. Cela concerne la Corée du Sud, l’Australie et le Japon.
/ «Une attaque contre cette île démocratiquement gouvernée pourrait être considérée comme une menace existentielle pour le Japon», a déclaré Sanae Takaichi, première ministre du Japon.
Concernant ce dernier pays, un paragraphe prend acte de récentes déclarations de la première ministre japonaise, Sanae Takaichi. «Face à la volonté affirmée de la Chine de réunifier Taïwan, que ce soit par la voie diplomatique ou militaire, la région indo-pacifique et l’Occident craignent qu’une guerre majeure n’ait des répercussions mondiales. Le Japon, conscient que son économie et ses voies maritimes sont menacées en cas de blocus naval chinois de Taïwan, clarifie sa position, jusqu’alors ambiguë, à l’égard de la Chine», souligne le document étasunien.
En effet, la nouvelle tête de l’exécutif japonais a été particulièrement claire au sujet de Taïwan. «Une attaque contre cette île démocratiquement gouvernée pourrait être considérée comme une menace existentielle pour le Japon», a-t-elle déclarée peu de temps après sa prise de fonction. La Chine a aussitôt réagi à demander à la première ministre japonaise de se rétracter. Pékin a par ailleurs déployé plus d’une centaine de navires de guerre, épaulés par l’aviation sur une large zone allant de la mer Jaune à la mer de Chine méridionale. Un message clair à Taipei, Tokyo et Washington.
La première ministre connaît bien Taiwan. Son parti, le PLD entretient des relations étroites et anciennes avec le Parti démocrate progressiste (PDP) au pouvoir à Taïwan. Elle s’est aussi prononcée pour une révision de l’article 9 de la Constitution japonaise d’après-guerre qui limite le recours à la force à la seule légitime défense et prône une alliance large de sécurité incluant l’Australie, l’Inde et l’Europe contre une possible agression chinoise.
L’administration Trump, elle, a récemment validé le plus gros contrat d’armement à destination de Taipei depuis 24 ans, pour un montant de 11 milliards de dollars. «La Chine exhorte les Etats-Unis à cesser immédiatement ses actions dangereuses consistant à armer Taïwan », a indiqué Guo Jiakun, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Le président taïwanais Lai Ching-te a annoncé le mois dernier que son gouvernement allait proposer 40 milliards de dollars de dépenses supplémentaires pour La Défense, avec un objectif de dépenses militaires de 5% du PIB à l’horizon 2030.
Cette montée en tensions dans la zone indo-pacifique s’inscrit aussi dans le contexte historique de l’agression russe en Ukraine. Comme Moscou qui considère que l’Ukraine n’a pas d’existence et qu’elle fait partie de la Russie, Pékin estime que Taiwan n’a pas d’existence et fait partie de la Chine.