HCR : la candidature suisse écartée, Genève perd du terrain

Photo of author

By Alain Jourdan

La nomination de l’ancien président irakien Barham Saleh à la tête du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) constitue une mauvaise nouvelle pour Genève et pour la Suisse. Elle marque un revers diplomatique d’autant plus sensible que Berne soutenait activement Christine Schraner Burgener, ancienne secrétaire d’État et envoyée spéciale de l’ONU, dont le profil était largement perçu comme l’un des plus solides pour diriger l’agence onusienne dans une période de fortes turbulences.

Barham Saleh succédera en janvier à l’Italien Filippo Grandi, dans un contexte particulièrement critique pour le HCR. L’agence est confrontée à une chute brutale des financements internationaux et a dû supprimer plus d’un quart de ses effectifs depuis le début de l’année, soit près de 5 000 postes. Cette réduction sans précédent fragilise sa capacité à répondre à des crises migratoires toujours plus nombreuses et complexes, tout en alimentant un climat de profonde incertitude au sein de l’institution.

Dans ce contexte, la Suisse avait misé sur Christine Schraner Burgener, reconnue pour son expérience diplomatique, sa connaissance fine du système onusien et son engagement de longue date en faveur des droits humains. Son éviction est perçue comme une occasion manquée de placer à la tête du HCR une figure étroitement liée à la tradition humanitaire suisse et à l’esprit de Genève internationale. Elle met également en lumière les limites de l’influence helvétique, malgré l’importance de son rôle de pays hôte et de bailleur du système multilatéral.

Au-delà du revers suisse, la nomination de Barham Saleh soulève des interrogations sur l’orientation donnée à l’agence. Ancien chef d’État, personnalité politique respectée, il hérite toutefois d’une organisation en pleine tourmente, confrontée à des choix managériaux douloureux et à une nécessité urgente de réforme. Dans un moment où le HCR aurait besoin d’un leadership perçu comme avant tout technocratique et opérationnel, ce choix peut apparaître décalé aux yeux de nombreux observateurs et partenaires humanitaires.

Pour Genève, l’enjeu est aussi symbolique. Le HCR est l’une des institutions phares de la place genevoise, et son leadership influence directement le rayonnement de la ville comme capitale mondiale de l’humanitaire. Ne pas voir émerger une candidate soutenue par la Suisse, alors que la concurrence entre pôles internationaux s’intensifie, affaiblit la position de Genève dans le concert multilatéral.

Cette nomination intervient enfin à un moment délicat pour la crédibilité du système humanitaire international. Alors que les besoins explosent et que les ressources se contractent, le choix du nouveau haut-commissaire aurait pu incarner une réponse forte à la crise, fondée sur la continuité, l’expertise et la capacité à rétablir la confiance. Pour la Suisse et pour Genève, l’épisode laisse un goût amer et rappelle que, même au cœur de l’humanitaire, les équilibres politiques continuent de peser lourdement sur les décisions.

Newsletter

Abonnez-vous à la newsletter de La Tribune des Nations et bénéficiez d’informations exclusives.