Par Martin Lagarde, étudiant en stage à l’Observatoire Géostratégique de Genève
Longtemps présente dans les enjeux stratégiques du Moyen-Orient, la France fait aujourd’hui face à un défi majeur : maintenir sa pertinence dans une région bouleversée par des crises géopolitiques persistantes. Dans son étude, Martin Lagarde, stagiaire à l’Observatoire Géostratégique de Genève, analyse avec clarté les lignes de force d’une diplomatie française en recomposition, entre héritages historiques, positionnement militaire, coopération économique et rayonnement culturel.
La présence française au Moyen-Orient s’inscrit dans une longue histoire, marquée par les accords Sykes-Picot et le mandat sur le Liban et la Syrie. Toutefois, après la Seconde Guerre mondiale et l’épisode du Canal de Suez, Paris a été progressivement marginalisé par la montée en puissance américaine et soviétique. Depuis, la France adopte une posture plus multilatérale et pragmatique, à l’image de son refus d’intervenir en Irak en 2003.
Aujourd’hui, la France conserve une présence militaire structurée au Moyen-Orient, notamment à travers les Forces Françaises aux Émirats Arabes Unis, l’opération anti-terroriste CHAMMAL en Irak et sa participation à la FINUL au Liban. Ces engagements traduisent une volonté de peser dans les équilibres sécuritaires régionaux, tout en consolidant des partenariats de défense durables.
Les exportations d’armement représentent un pilier central de la stratégie d’influence française. Le Qatar, l’Égypte et les Émirats arabes unis comptent parmi les principaux acheteurs du Rafale, fleuron de l’industrie française. Ces ventes ne sont pas seulement économiques : elles traduisent une coopération politique, militaire et technologique durable. Toutefois, ce commerce soulève des critiques, notamment en lien avec des conflits régionaux comme celui du Yémen.
Malgré le recul de l’usage du français dans certains pays, le Liban, les Émirats et le Qatar maintiennent un lien francophone actif. La coopération universitaire, comme en témoigne la Sorbonne Abu Dhabi, ou les centres culturels français, incarnent cette stratégie d’influence douce, fondée sur la langue, la formation et l’échange de savoirs.
Les grandes entreprises françaises – TotalEnergies, Vinci, Alstom – sont solidement implantées dans les infrastructures énergétiques et urbaines du Golfe. Des initiatives comme « Vision Golfe 2024 » témoignent d’un dynamisme renouvelé dans les relations économiques entre Paris et les monarchies du CCG.
Dans un contexte de repli occidental, la France tente de se positionner comme une puissance d’équilibre. Emmanuel Macron a multiplié les gestes diplomatiques au Liban, en Iran ou sur le dossier israélo-palestinien, sans alignement systématique. Paris privilégie une posture de médiateur, bien que cette position reste fragile face à la complexité des rapports de force.
La stratégie française au Moyen-Orient repose aujourd’hui sur une combinaison de leviers militaires, économiques, diplomatiques et culturels. L’ambition de Paris d’être une puissance médiatrice est légitime, mais elle suppose constance, clarté et crédibilité. L’analyse de Martin Lagarde souligne la nécessité pour la France de renforcer ses engagements tout en respectant les principes du droit international et en valorisant ses atouts historiques.