Et si l’Iran oeuvrait à la réélection des démocrates aux Etats-Unis ? 

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By Sébastien Boussois

La bombe à retardement qui plane sur le Moyen-Orient depuis plusieurs semaines ressemble de plus en plus à l’Arlésienne. En effet, la mort d’Ismaël Haniyeh il y a deux semaines, n’a toujours pas été vengée par l’Iran, dont les services intérieurs ont été pourtant largement pris en flagrant délit de faiblesse. C’est peut-être que l’Iran n’est plus tout à fait prêt à se mettre en danger pour une de ses « proxis », surtout à un carrefour majeur de l’histoire outre-atlantique. Il n’est pas non plus aussi puissant que ses ennemis. Quel lien ? Le guide suprême sait qu’en novembre, un retour de Donald Trump aux affaires ne servira pas du tout sa cause. Allié inconditionnel d’Israël qu’il a encouragé à aller jusqu’au bout à Gaza, et grand ordonnateur de la rupture du traité du JCPOA signé par Obama en 2015, Trump sera beaucoup moins conciliant que les démocrates avec le régime de Téhéran. 

Déstabiliser la région un peu plus encore, en engageant l’administration démocrate dans un bourbier dont on doute fort qu’elle sera sortie avant les élections, ce serait donc faire le jeu de l’ennemi juré de l’Iran. Voilà comment depuis quelques jours, malgré une situation interne compliquée avec un nouveau Président déjà critiqué pour avoir largement rogné sur ses promesses de campagne, l’Iran s’est invité au cœur des négociations pour le cessez-le-feu à Gaza que tout le monde attends depuis des mois comme le Messie. Téhéran cherche à « sauver la face » de toute évidence en négociant l’idée de ne pas frapper Israël trop fort en représailles de la mort d’Haniyeh (et pour la forme quelque part). Une déflagration régionale affaiblirait les démocrates américains, qui ont le vent en poupe, dont intimement le régime de Téhéran préfère le maintien à Washington par une élection de Kamala Harris. Provoquer le chaos serait aussi à l’heure actuelle torpiller le nouvel agenda de « prudentes » ouvertures en cours de l’Union européenne et des Etats-Unis. Mais il faudra alors une vraie avancée sur le dossier palestinien pour que le régime iranien accepte de « calibrer » d’éventuelles représailles. 

C’est probablement la première fois que l’Iran chercher à peser de tout son poids diplomatique dans le dossier Israëlo-palesto-libanais, et non plus en usant uniquement de sa capacité traditionnelle de nuisance. Si les diplomaties américaines et européennes sont lucides, elles ont intérêt, en regard de la sophistication stratégique des Mollahs, à saisir ce « momentum » afin du coup d’encourager une évolution favorable du leadership iranien, au bénéfice avant tout du peuple iranien lui-même, mais aussi des pays arabes du Golfe, du Machrek, de l’Europe et de l’Amérique, sur un large spectre de sujets, dont le dossier du nucléaire bien sûr. 

Le régime sait que la société est en permanence au bord de l’implosion, et qu’une amélioration des relations avec l’Occident, assortie d’accords dont une contre-partie serait la levée progressive de sanctions, est aujourd’hui le meilleur moyen d’acheter une certaine paix sociale hors répression par l’espoir d’une reprise économique. 90% des Iraniens d’aujourd’hui sont nés après la mort de Khomeiny, le grand ayatollah de la Révolution islamique. C’est une occasion unique, avant un éventuel retour de Trump qui condamnerait ces avancées historiques, pour les Mollahs, les Pasdarans et autres Bassidji de se défossiliser et lâcher enfin du lest. Au nom d’un Iran transhistorique qui a toujours été un pivot majeur de la région mais aussi une bulle de modernité et de civilisation. C’était avant 1979 bien sûr…

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas celles de La Tribune des Nations.

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