Neutralité suisse et IA militaire : un label contre la guerre des algorithmes

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By La rédaction

Alors que les systèmes d’armes autonomes s’invitent sur les champs de bataille et que les négociations internationales s’enlisent, le spécialiste Axel Mazolo propose un contre-modèle helvétique : un label de certification des algorithmes militaires. Une initiative à la fois technique et diplomatique, fidèle à l’ADN de la neutralité suisse.

Dans un rapport ambitieux, Axel Mazolo avance une idée aussi pragmatique qu’audacieuse : la création d’un label suisse pour certifier les algorithmes intégrés aux systèmes d’armes létales autonomes (SALA). Face à la paralysie des institutions onusiennes et à l’accélération de la militarisation algorithmique, ce label ne serait pas un gadget éthique, mais un levier diplomatique puissant.

Les SALA — ces armes capables d’identifier et de frapper une cible sans validation humaine — sont déjà en usage dans des conflits comme en Ukraine ou en Libye. La rapidité de leur exécution, associée à l’opacité de leurs algorithmes, remet en cause les fondements même du droit international humanitaire : distinction entre civils et combattants, proportionnalité, responsabilité en cas d’erreur.

Axel Mazolo souligne que le droit peine à suivre le rythme de l’innovation technologique, et que la diplomatie multilatérale, prise au piège du consensus, est aujourd’hui incapable de poser des garde-fous. Dans ce vide, il propose d’ancrer l’action suisse dans une « neutralité numérique », adaptée à notre époque.

La neutralité numérique, selon Mazolo, ne se contente pas de l’abstention militaire. Elle devient active, portée par des engagements concrets : refuser la prolifération algorithmique, promouvoir la cybersécurité, garantir la transparence des systèmes armés intelligents.

C’est ici qu’intervient le label suisse. Délivré par une fondation indépendante de droit helvétique, il s’inspirerait des standards des secteurs aéronautique, médical ou financier. Le processus de certification évaluerait non seulement la robustesse technique d’un système, mais aussi sa conformité au droit humanitaire, sa résilience aux cyberattaques, et la gouvernance éthique de son développement.

« On ne certifie pas la perfection », précise Axel Mazolo, « mais un processus rigoureux, transparent et auditable. Une norme de diligence qui responsabilise développeurs et opérateurs. »

L’idée, bien que saluée pour sa cohérence, n’est pas sans écueils. Les grandes puissances — États-Unis, Chine, Russie — ont peu d’intérêt à faire examiner leurs armes par un tiers, aussi neutre soit-il. Le risque d’un « label-washing », instrumentalisant la certification à des fins d’image, est réel. De même, certains militants craignent que cette approche technique détourne l’attention d’un objectif plus radical : l’interdiction pure et simple des SALA.

Mais Axel Mazolo assume cette voie intermédiaire. Pour lui, un label ne remplace pas un traité international, mais prépare le terrain. Il crée des îlots de confiance, incite à l’intégration de l’éthique « by design », et structure un débat trop souvent dilué dans l’abstraction ou la surenchère technologique.

Le projet de Mazolo s’inscrit dans la lignée des bons offices suisses, mais avec des outils du XXIe siècle. Il s’adresse autant aux diplomates qu’aux ingénieurs, aux juristes qu’aux experts en cybersécurité. Dans un monde fragmenté, où l’innovation précède la régulation, il invite la Suisse à transformer sa neutralité historique en puissance normative.

En dernière analyse, c’est un appel à ne pas laisser la guerre devenir une affaire exclusivement algorithmique. Et à rappeler, par la norme si le traité fait défaut, que l’humain ne doit jamais sortir de la boucle.

« La neutralité, ce n’est plus le silence. C’est la construction active de la paix. Même dans le cyberespace. » — Axel Mazolo

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