Comment et pourquoi la K-Pop est devenu l’emblème du soft power sud-coréen 

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By Alain Jourdan

La politique culturelle sud-coréenne est un cas d’utilisation du Soft power. Aujourd’hui la Corée du Sud, 10ème PIB mondial, s’est exportée à l’internationale à travers sa culture, son tourisme et sa gastronomie.

Alice Jourdan à Séoul

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, l’idée que les Etats ne sont pas les seuls acteurs sur la scène internationale émerge et soulève des questions alors que l’on assiste à des interactions transfrontalières, des mouvements de biens et flux financiers. On constate que d’autres acteurs influent sur les relations internationales, en dehors des Etats eux-mêmes. On ne peut pas penser les relations internationales sans penser aux relations transnationales. Des nouveaux acteurs s’imposent : les sociétés, compagnies, ONG et fondations privées. La distinction entre high politics et low politics se fait de plus en plus floue. La puissance n’est plus uniquement attribuée à des facteurs quantitatifs mais se joue aussi dans les relations entre acteurs étatiques ou avec les acteurs transnationaux. L’interdépendance se retrouve entre Etats mais aussi entre Etats et acteurs transnationaux. Alors, le recours au domaine militaire décroît dans un contexte d’interdépendance. On mise moins sur le levier de la contrainte que sur l’influence. On parle dans ce cas du soft power, concept développé par le professeur et analyste américain Joseph Nye dans les années 1990. Ce concept est ensuite repris par de nombreux dirigeants politiques. En définitive, le soft power ne désigne pas la nature du pouvoir mais ses ressources. C’est la puissance de commandement, de cooptation d’un acteur, la capacité à faire changer ce que les autres veulent, par des procédés dits « doux ». Cela passe particulièrement par le biais de la culture, le tourisme ou l’idéologie, par opposition au hard power qui implique le recours aux leviers économiques et militaires.

La Corée du Sud : une histoire contemporaine marquée par des périodes de crises

Le siècle en Corée du Sud fut marqué par des événements violents qui ont laissé une marque indélébile dans l’histoire du pays et qui sont à l’origine de sa stratégie d’influence à l’échelle internationale. De 1910 à 1945, l’occupation japonaise prive les coréens de leur identité, de leur culture et de leur histoire, en détruisant par exemple des lieux historiques au cœur de l’histoire du pays. Les civils coréens ont été victimes de violences et les femmes réduites à l’état d’esclavage sexuel par les soldats japonais. Des crimes qui n’ont jamais été reconnus par le gouvernement japonais et pour lesquels des associations se battent pour obtenir des excuses officielles. La Guerre de Corée de 1950 à 1953 marque une deuxième épreuve pour le peuple coréen qui voit la Péninsule se déchirer violemment. Suite à ces évènements, la Corée du Sud est affaiblie et considérée comme “l’un des pays les plus pauvres du monde, avec un niveau de vie inférieur à celui du Kenya et proche de celui de l’Éthiopie” (Barjot, Dominique. Le “miracle” économique coréen (1953-2013) Réalités et limites, Outre-Terre, vol. 39, no. 2, 2014, pp. 37-65).

Pour renverser cette situation désavantageuse et des crises économiques auxquelles faisait face la Corée du Sud dans la deuxième moitié du XXe siècle, une stratégie a dû être adoptée pour s’imposer comme puissance. 

La KPOP, un levier d’action dans un contexte de crise économique

Ce qui témoigne le plus du succès de la culture coréenne à l’étranger est la K-POP. Il ne s’agit pas d’un genre musical mais d’une industrie, créée dans les années 1990 mais dont l’origine culturelle remonte aux années 1960. Celle-ci est née dans un contexte particulier. A la fin du XXe siècle, la Corée du Sud rencontre une crise économique et reste officiellement en guerre avec la Corée du Nord. Pour s’affirmer sur la scène internationale et relancer son économie, l’Etat investit dans la culture. Dans les années 2000, elle s’exporte vers le Japon, qui est encore aujourd’hui l’un des principaux marchés de la K-POP. Fin des années 2000, elle s’exporte au-delà de l’Asie, y compris en France, avec le titre mondialement connu du chanteur PSY, Gangnam Style. Cette chanson fait référence à un quartier aisé de Séoul. Une statue en l’honneur du chanteur a été érigée dans la quartier de Gangnam en reconnaissance de sa participation au rayonnement international du pays. C’est à la fin des années 2010 que la K-POP explose en Europe, notamment avec le titre Dynamite du boys band BTS qui connaît un succès planétaire dans un contexte de crise sanitaire. Les confinements liés au Covid 19 ont d’ailleurs eu un impact majeur sur la popularisation de la K-POP en France. La stratégie de communication des labels coréens passe essentiellement par les réseaux sociaux et depuis 2019 sur la plateforme Tik-Tok dont l’utilisation se développe pendant le premier confinement en mars 2020.

Une utilisation de la KPOP à des fins d’influence politique

https://fr.statista.com/previsions/1446943/nombre-utilisateurs-tiktok-france

Les artistes coréens sont le principal levier d’influence culturel de la Corée du Sud à l’international. Ils sont donc mobilisés sur différents événements, y compris politiques. En décembre 2023, les quatre membres du groupe Black Pink ont été reçus à Buckingham par le roi Charles III à l’occasion d’un dîner d’Etat en présence du président sud-coréen Yoon Suk Yeol et ont été décorés par le monarque pour leur engagement écologique dans le cadre de la COP26. Ils avaient également été désignés par le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres comme ambassadeurs Groupe des Nations Unies pour le développement (UNSDG).

https://www.royal.uk/news-and-activity/2023-11-22/the-king-presents-honorary-mbes-to-blackpink

Le boysband BTS a été le pionnier de cette stratégie d’influence avec leur discours auprès des Nations Unies en 2018 et suivi par d’autres apparitions aux côtés de l’Unicef notamment. Le groupe avait tenu un discours le 20 septembre 2021 à la réunion du Sustainable Development Goals Moment (SDG Moment) de la Décennie d’action. De ce cours ressortait un message portant sur l’importance de la lutte contre le changement climatique mais aussi sur l’importance de la vaccination dans un contexte de pandémie du COVID-19.

L’ancien président, Moon Jae In avait déclaré au sujet de ce discours que le « soft power » de BTS avait une importance plus grande que la sienne ou celle du secrétaire général des Nations Unies.

https://fr.yna.co.kr/view/AFR20210924003400884

Quand on entend parler de la Corée du Sud, on pense au conflit avec la Corée du Nord et à la K-POP. Cela a deux conséquences notables. D’une part, l’image de la Corée du Sud se démarque radicalement du nord en promouvant une industrie musicale capitaliste et très artificielle, inspirée du modèle des popstars américaines. D’autre part, l’ampleur du phénomènes K-POP occulte un certain nombre d’enjeux auxquels la Corée du Sud fait face, comme les droits de la femmes et des couples homosexuels, un monde professionnel compétitifs et oppressant ainsi que le taux de suicide le plus élevé des pays développés d’après l’OCDE, particulièrement chez les jeune. 

https://www.bbc.com/afrique/monde-66081277

Un rayonnement visant à dépasser les frontières de la K-POP

Ce rayonnement se retrouve également dans le domaine cinématographique alors que les films coréens parviennent à se mesurer aux productions américaines. On pense particulièrement au film Parasite de Bong Joon-Ho salué par la critique et et premier long-métrage sud-coréen à remporter la palme d’or au Festival de Cannes en 2019 et multiplement récompensé à la cérémonie des Oscars en 2020, lauréat dans quatre différentes catégories. La culture coréenne s’est également ouverte à un nouveau public grâce au succès de la série Squid Game sur Netflix en 2021.

La K-POP est le principal élément reflétant la stratégie sud-coréenne mais cette stratégie s’applique également dans les domaines du sport ou encore dans les nouvelles technologies. La Corée du sud doit sa réputation en partie à son avancée technologique portée par les grandes entreprises sud coréennes comme Samsung, Hyundai, LG.

Les gouvernements qui se sont succédé en Corée du Sud ont compris l’importance de développer une influence d’une manière très distincte de ses voisins chinois et nord-coréens. Par sa politique d’influence culturelle et touristique, la Corée du sud se construit une identité et se démarque de ses voisins.

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