L’Afrique n’est pas en devenir: elle est déjà en mouvement

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By Youcef Baadja

Par Youcef Baadja *


Longtemps présentée sous le prisme du défi, l’Afrique est aujourd’hui à aborder sous celui de l’opportunité. Le continent ne se contente plus d’attendre son développement : il le bâtit. À travers des initiatives nationales audacieuses, des coopérations régionales solides et des partenariats internationaux stratégiques, l’Afrique s’affirme comme un acteur proactif de sa propre transformation. Notre continent n’est plus « en attente de développement » – il est déjà dans une dynamique de croissance, de résilience et d’innovation.


L’Union africaine, par son Agenda 2063, pose les bases d’un continent prospère, intégré, pacifique et influent. Cet agenda n’est pas qu’un document de principes : il est un plan d’action suivi d’effets. Des projets phares comme le Marché unique du transport aérien africain (SAATM), le réseau de trains à grande vitesse ou encore la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) illustrent cette ambition commune. La ZLECAf, lancée officiellement en 2021, constitue l’une des plus grandes zones de libre-échange au monde par le nombre de pays participants. Elle ouvre un marché de plus de 1,3 milliard de personnes. Selon la Banque mondiale, ce projet pourrait sortir 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté d’ici 2035. Voilà un exemple concret de la capacité africaine à construire une croissance inclusive.


La Banque africaine de développement (BAD) a investi massivement dans les infrastructures, l’agriculture, les énergies renouvelables et l’entrepreneuriat. Son programme « High 5 » –
Éclairer, Nourrir, Industrialiser, Intégrer l’Afrique et Améliorer la qualité de vie des Africains
– a permis de connecter des millions de personnes à l’électricité, d’améliorer la sécurité alimentaire et de favoriser l’accès à l’eau potable. L’exemple du Kenya est emblématique. Grâce au soutien combiné de la BAD, d’investisseurs privés et de politiques publiques volontaristes, le pays est devenu un champion de l’énergie propre. Aujourd’hui, plus de 90 % de l’électricité kenyane provient de sources renouvelables, principalement géothermiques et hydroélectriques. Cela démontre que durabilité et développement ne sont pas opposés, mais complémentaires.


Dans le secteur numérique, l’Afrique n’est pas en retard – elle invente ses propres modèles. Le succès de plateformes comme M-Pesa au Kenya ou Wave au Sénégal montre que l’innovation peut jaillir d’un besoin local et rayonner à l’échelle globale. L’Afrique, qui comptera bientôt un jeune sur trois dans le monde, est un laboratoire de solutions agiles et résilientes. Le Rwanda, souvent cité pour ses réformes éclairées, a lancé le programme Smart Rwanda pour faire du numérique un levier de transformation dans la santé, l’éducation et l’administration. Aujourd’hui, plus de 95 % de la population est couverte par un réseau 4G, facilitant l’accès aux services publics dans les zones rurales.


Le développement ne viendra pas uniquement des institutions : il se construit par les femmes et les hommes d’Afrique. En tant que président de l’Agence Suisse pour le Développement des Droits de l’Homme, j’ai vu de mes propres yeux des jeunes transformer des quartiers entiers par l’entrepreneuriat social, des femmes créer des coopératives agricoles qui transforment des villages, des communautés s’auto-organiser pour construire des écoles, des dispensaires ou des fermes durables. Nous devons nourrir cette énergie. Investir dans l’éducation, dans la formation professionnelle, dans l’entrepreneuriat local, c’est garantir à notre jeunesse les outils de son propre succès. Comme le disait Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. »


Il est temps de sortir des récits déclinistes et paternalistes. L’Afrique n’est pas à sauver : elle est à soutenir, à écouter, à accompagner dans ses propres choix. C’est dans cette perspective que les partenariats gagnant-gagnant avec les pays du Sud et du Nord prennent tout leur sens. Oui, il y a encore des défis : gouvernance, inégalités, changement climatique. Mais il y a surtout des réussites à faire grandir, des talents à révéler, des projets à porter. Comme le dit l’écrivain sénégalais Felwine Sarr : « L’Afrique ne doit pas courir après le monde, elle doit courir après elle-même. »
C’est dans cet esprit que nous, dirigeants, entrepreneurs, citoyens et acteurs associatifs, devons agir. L’Afrique peut réussir. Mieux encore : elle est déjà en train de réussir.


*Chef d’entreprise et président de l’ONG l’Agence Suisse pour le Développement des Droits de l’Homme (ASDH)



Qu’est-ce que l’Agenda 2063 ?
L’Agenda 2063 est la vision stratégique à long terme de l’Union africaine pour transformer l’Afrique en un continent intégré, prospère et pacifique, dirigé par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène mondiale. Adopté en 2015, il trace la voie du développement du continent sur 50 ans, en s’appuyant sur les enseignements du passé, les défis du présent et les ambitions du futur.
Ce cadre repose sur sept aspirations majeures : une Afrique prospère basée sur une croissance inclusive et un développement durable ; un continent intégré ; une gouvernance démocratique et respectueuse des droits de l’homme ; une paix durable ; une identité culturelle forte ; des personnes autonomes, en particulier les femmes et les jeunes ; et une Afrique influente à l’échelle mondiale
Parmi ses projets phares figurent la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), le réseau de trains à grande vitesse, le passeport africain, et le Marché unique du transport aérien africain (SAATM). L’Agenda 2063 représente ainsi un engagement collectif pour un avenir africain fondé sur la solidarité, l’innovation et la souveraineté du continent.

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