Plusieurs représentants politiques cachemiris, venus assister au Conseil des droits de l’homme qui se tient actuellement à Genève, ont alerté la communauté internationale sur le caractère explosif que pourrait prendre l’appropriation des ressources alimentaires et énergétiques des autochtones par le Pakistan.
Depuis mars, le discours n’a pas changé. Muhammad Sajjad Raja, fondateur du National Equality Party Jammu Kashmir Gilgit Balistan and Lakadh (NEP JKGBL), a une nouvelle fois interpellé la communauté internationale sur les violations persistantes des droits civils et humains de la population du Jammu-et-Cachemire par le Pakistan. Cette situation dure depuis 1947.
L’universitaire et homme politique cachemiri, accompagné d’autres représentants politiques, tous en exil de leur terre d’origine, n’a pas mâché ses mots pour sommer les Nations Unies et l’Union européenne de réagir face à cette situation: «Le Pakistan promeut le terrorisme, réduit nos femmes et nos enfants à l’état d’esclave et continue d’entretenir la peur. Tous ceux qui osent s’opposer à lui sont tués.» En septembre 2024, des protestations ont eu lieu contre l’utilisation abusive de loi antiterroristes pour réprimer la dissidence et faire taire les voix s’opposant aux injustices de la région.
Le blé, source de révolte
En plus de dénoncer ces violences, les politiques de l’opposition cachemiri ont rappelé que l’ancien État princiers des Indes connaissait de nombreuses manifestations contre les administrations locales depuis le second semestre 2023. Les habitants considèrent celles-ci comme «impuissantes et entièrement controlées par le gouvernement pakistanais, et, en réalité, par la puissantes armée pakistanaise.»
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Ces révoltes sont dues aux pénuries d’électricité, mais également à l’inflation élevée, notamment sur l’alimentation. Le retrait de la subvention gouvernementale sur le blé, en place depuis longtemps, a été l’un des éléments déclencheurs de ces insurrections, «les plus grandes de l’histoire du Cachemire», d’après les contradicteurs politiques du cinquième pays de plus peuplé du monde. Dans plusieurs régions, la frustration contre l’occupation illégale a amené certains à brandir des slogans «accordez-nous l’autonomie ou nous opterons pour l’Inde».
«Le Pakistan promeut le terrorisme, réduit nos femmes et nos enfants à l’état d’esclave et continue d’entretenir la peur. Tous ceux qui osent s’opposer à lui sont tués.»
Des propositions concrètes
Ces contestations contre les autorités locales ont atteint leur apogée à la mi-mai 2024, avec des protestations conduisant à des affrontements meurtriers. «Les manifestations montrent que les politiques de l’état colonial du Pakistan, qui exploite les ressources des ces régions au mépris des droits de propriétés de la population locale, se heurtent à une forte résistante», rappellent conjointement l’opposition du «Petit Tibet». L’interpellation de la communauté internationale a été l’occasion pour le NEP JKGBL de présenter des revendications concrètes pour sortir de cette crise de révolte historique.
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Parmi elles: le gel de la subvention du blé, à hauteur du taux de 2022, ainsi que l’obligation de fournir à chaque habitant neuf kilogrammes de blé par mois. Concernant le domaine énergétique, les représentants de l’opposition se positionnent en faveur de la mise en place d’une électricité fournie gratuitement, à partir du barrage de Diamer-Bhasha. Le projet serait ensuite de verser 80% des redevances au Gilgit-Baltistan, en lieu et place des droits de l’utilisation de l’eau. Cette proposition intervient après le constat d’un détournement «disproportionné» des ressources hydroélectrique de l’Azad Jammu-et-Cachemire, vers la province pakistanaise du Penjab. Cette situation fait que les autochtones endurent des délestages prolongés et des tarifs d’électricités gonflés. Ce contexte a amené à un mouvement de boycott des factures d’électricité de la part de la population, en septembre 2023.
Des nouvelles heurts à venir au Pakistan?
En outre, les représentants politiques cachemiris ont exprimé le volonté de voir annuler «tous les baux miniers accordés aux non-locaux et les voir allouer à des habitants», en plus de l’attribution de contrats aux entreprises locales et de la restauration des anciennes routes commerciales. Ces propositions ont été examinées «favorablement» par les autorités locales, en début d’année. Cependant, chez les opposants, comme au sein de la population, le doute persiste. «La manière dont les gouvernements pakistanais successifs ont mené des politiques discriminatoires dans l’Azad Jammu-et-Cachemire relègue virtuellement ses habitants au rang de citoyens de seconde zone», dénoncent les représentants politiques exilés. Ce qui démontre, selon eux, «l’approche coloniale d’Islamabad.»
L’impatience croissante de la population de l’Azad Jammu-et-Cachemire à l’égard des autorités pakistanaises risque de se manifester à nouveau, avertissent les opposants, par la voie d’un communiqué. «L’État Pakistanais fait preuve de peu d’enthousiasme pour tenir ses engagements et satisfaire les demandes formulées par la population. Les gens n’ont pas l’intention de renoncer à leurs droits et se battre de manière unie.» Selon les opposants du «Petit Tibet», si l’ingérence «éffrontée, politique, sociale et économique d’Islamabad» se poursuit à l’avenir, le Pakistan risque de devenir «politiquement et économiquement» instable dans les jours à venir.