Elon Musk crée son parti : la rupture d’un pacte, ou comment tuer le père Trump

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By Sébastien Boussois

L’annonce fracassante de la création d’un parti politique par Elon Musk marque un tournant inédit dans le paysage politique américain. Loin d’être un simple caprice de milliardaire mégalomane, ce geste est hautement symbolique : il s’apparente à un acte de rupture, voire de parricide politique. Car celui que Musk cherche aujourd’hui à défier, c’est bien Donald Trump — son ancien complice idéologique, son double populiste, mais aussi, en creux, son mentor.

Depuis plusieurs années, Musk et Trump ont partagé une vision du monde convergente : rejet du politiquement correct, dénonciation d’un establishment jugé décadent, culte de l’individualisme, valorisation de la réussite économique comme signe de supériorité morale. Musk avait même siégé brièvement dans des conseils présidentiels au début du mandat Trump, avant de s’en éloigner, tout en gardant des accointances tacites avec la base trumpienne, notamment sur X (anciennement Twitter), devenu sa tribune favorite.

Mais aujourd’hui, Musk ne veut plus jouer le rôle du « techno-Trump ». Il aspire à incarner une alternative, non plus seulement économique ou culturelle, mais politique. En lançant son propre parti, il ne cherche pas tant à soutenir Trump qu’à l’effacer. Il veut incarner à lui seul ce que Trump n’a jamais su totalement devenir : un homme-système capable de renverser l’ordre tout en l’intégrant, un entrepreneur devenu idéologue.

Cette rupture est donc autant une stratégie d’émancipation qu’un acte psychanalytique : Elon Musk veut tuer le père. Le père politique, celui qui a ouvert la voie à la disruption en politique, mais dont Musk considère désormais qu’il est dépassé, brouillon, prisonnier de ses propres obsessions. Là où Trump fait du bruit, Musk veut faire de l’histoire. Là où Trump divise, Musk prétend réunir innovation et autorité, progrès et ordre, ambition globale et souverainisme économique.

Mais ce « meurtre symbolique » n’est pas sans risque. En quittant le giron trumpiste, Musk se met en danger : il fracture une partie de son propre public, qui le suivait précisément pour ses accointances avec l’alt-right. Et surtout, il joue un jeu périlleux — celui de l’homme providentiel sans parti, qui pense pouvoir créer de toutes pièces une dynamique politique durable à partir de sa seule personne.

Ce que nous voyons aujourd’hui, ce n’est donc pas seulement un épisode de plus dans la saga Musk. C’est une tentative de réécriture du populisme américain, avec Musk en architecte d’un nouveau récit : le populisme 2.0, débarrassé du chaos trumpien, digitalisé, rationnalisé, et surtout… recentré autour de lui-même.

Reste à savoir si le fils parricide saura vraiment bâtir un héritage politique là où le père n’a su créer qu’un séisme.

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