Trump et Poutine, agents d’influence pour l’extrême droite

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By Olivier Bot

L’administration américaine sous Donald Trump et le Kremlin multiplient les formes d’ingérence en appuyant les partis d’extrême droite en Europe et menacent ou attaquent des régimes qui ne leur conviennent pas dans leur environnement proche.
Le président étasunien Donald J. Trump et son homologue russe, Vladimir Poutine sur la base Elmendorf-Richardson, en Anchorage en Alaska, le 15 août dernier. (DoD photo by Benjamin Applebaum).

Quand le maître du Kremlin tente de déstabiliser l’opinion d’un pays au profit de candidats d’extreme droite qu’il soutient, le président américain soutient les nationalistes européens, menace et exerce un chantage sur les chefs d’Etat et l’électorat d’Amérique du Sud par sa puissance économique et militaire.

Leur but est le même: démanteler l’Union européenne en favorisant les partis nationalistes les plus hostiles à Bruxelles et créer une zone d’influence et de contrôle dans leur environnement proche. Mais les moyens mis en oeuvre par les deux régimes diffèrent en partie. Depuis des années déjà, Vladimir Poutine utilisent des usines à trolls pour peser sur les scrutins des pays européens. Elles produisant des milliers de messages et de fake news sur les réseaux visant à la fois à déstabiliser un pays en appuyant sur ces maux pour polariser un peu plus ses divisions internes. Poutine soutient par ailleurs clairement les partis nationalistes antieuropéens.

Ingérences russes en Europe

La Moldavie et la Georgie, candidats à l’entrée dans l’UE, sont les exemples les plus récents de l’ingérence russe sur les élections. En octobre 2024, des législatives avaient lieu dans ces deux pays opposant des candidats pro-européens à des prorusses. En Moldavie, le Kremlin aurait dépensé l’équivalent de 100 millions d’euros pour mener des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux et acheter près de 130 000 voix. En vain, le candidat proeuropéen ayant gagné de justesse la majorité des suffrages.

En Géorgie, bien que se présentant comme proeuropéen, le parti Rêve géorgien du milliardaire Bidzina Ivanichvili qui a vécu une vingtaine d’années en Russie, suit une politique dictée par le Kremlin (loi sur les agents étrangers par exemple). Il a gagné les législatives dont la sincérité a été mise en doute par la présidente proeuropéenne d’alors, Salomé Zourabichvili qui dénonçait « des ingérences russes » dans son pays. Rappelons que suite au conflit de 2008, la Russie a installé depuis des bases militaires dans les régions dites « séparatistes » en Abkhasie du nord et en Ossétie du sud.

L’an dernier encore, en Roumanie, un candidat crédité de 1% des voix dans de premiers sondages, Călin Georgescu, remportait à la surprise des observateurs, le premier tour de l’élection présidentielle. L’homme a fait campagne sans parti ni soutien. Ce scrutin était annulé par la Cour constitutionnelle après l’identification d’une campagne de désinformation sur TikTok en faveur du candidat d’extrême droite.

Selon les services de renseignement roumains, plus de 100 influenceurs, totalisant 8 millions d’abonnés, ont été mobilisés pour promouvoir l’image de Calin Georgescu. On pourrait citer bien d’autres campagnes de désinformation ou d’influence russe via les réseaux sociaux lors d’autres élections par le passé. Une commission parlementaire britannique a ainsi dénoncé récemment une ingérence russe en faveur du « leave » lors du referendum de sortie de l’Union européenne de 2016. La France, l’Allemagne ou les Etats-unis ont aussi été ciblés lors de scrutins décisifs.

Autre outil de la guerre hybride menée par la Russie en Europe, l’intervention de commandos menant des actions de déstabilisation sur le territoire d’un pays. On peut citer en exemple, les actions « mains rouges au mémorial de la Shoah », « étoiles de david bleues taguées à Paris » ou « tête de porc devant des mosquées et salles de prière à Paris et en banlieue ». Des opérations visant à briser la cohésion nationale en France, en faisant croire à des actions autochtones contre les juifs ou les musulmans. Des méthodes héritées de l’agit prop soviétique et du KGB que Vladimir Poutine connaît parfaitement, par expérience professionnelle.

On sait désormais que ces actes ont été directement organisés par le Kremlin dans une stratégie de déstabilisation du pays. Les services secrets français ont mis la main sur une note interne de la présidence russe approuvant un plan visant à s’en prendre aux communautés juive et musulmane afin de fracturer la société et inciter à la guerre civile, écrit le pure-player français Mediapart. Le Global Risks Report 2024 du World Economic Forum de Davos en Suisse classait la mésinformation et la désinformation comme les menaces majeures des années à venir. Nous y sommes.

Les chantages de Donald Trump

Au Brésil, en réaction à la mise en accusation de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro, auteur d’une tentative de coup de force, Donald Trump a décrété qu’un montant inédit des droits de douane de 50 % frapperait les produits brésiliens. L’administration américaine avait aussi pris des sanctions contre le juge Alexandre de Moraes, accusateur et bête noire de Jair Bolsonaro. Mais la réaction de Luiz Inacio Lula da Silva lui a finalement fait machine arrière.

Donald Trump agit plus directement encore pour apporter son soutien aux candidats populistes d’extrême droite en Amérique du Sud. On ne parle plus de doctrine Monroe mais de doctrine Donroe pour qualifier l’arrière-cour des Etats-Unis que Donald Trump qualifie d’hémisphère étasunien. Il y a dans cet « hémisphère », des pays alignés, aux gouvernements de droite dure, d’extrême droite ou populiste comme le Salvador, le Guatemala, le Panama ou l’Argentine qui bénéficient de droit de douanes avantageux… et les autres.

Avant les élections de mi-mandat d’octobre, première épreuve électorale pour le président argentin élu en 2023, Javier Milei, un échange de devises pour 20 milliards de dollars américains permettait opportunément d’enrayer la chute du cours du peso, principal souci de l’économie argentine. Lors de la campagne électorale, l’administration Trump avait été claire: si le libertarien Milei gagne, il aura le soutien et une aide américaine, si ses adversaires l’emportent, il n’auront rien. Milei a remporté ces législatives, haut la main. Ce type de chantage, le 47e président des Etats-Unis l’exerce encore plus directement sur les régimes qui ne sont pas de son bord et qui ne lui conviennent pas.

Au Honduras qui élisait son président fin novembre, Trump a prévenu: si Nasry Asfura « ne remporte pas les élections, les États-Unis ne gaspilleront pas leur argent. » Au Nicaragua, des sanctions américaines ont visé le président Manuel Ortega et ses proches, dès le premier mandat de Trump. Au Venezuela, principale cible de Trump, les Etats-Unis ont décrété une zone d’exclusion aérienne en toute illégalité, possible prélude à un blocus, massé des forces navales au large des côtes vénézueliennes et pratiqué des exécutions arbitraires contre des embarcations censées participer au trafic de drogue. Le président Trump en personne autorisait en outre des opérations commandos de la CIA à l’intérieur du pays. Il a enfin proposé au président Maduro d’être exfiltré de son propre pays avec ses proches. Ce dernier a refusé.

Deux soutiens pour l’AfD

C’est en Allemagne que les deux puissances ont agi chacune de leur côté sur le processus électoral, arrivant même à se marcher sur les pieds. Les législatives de mars dernier ont en effet été l’occasion d’ingérences des deux puissances. Elon Musk, soutien de la présidence Trump a reçu Alice Weidel, la cheffe du parti Alternativ für Deutschland (AfD) lors d’un live sur X et a été accueilli à un meeting de l’AfD. Le vice-président américain JD Vance, après avoir fait la morale aux Européens concernant l’avortement, la liberté d’expression, regrettait que les partis populistes n’aient pas été invités à la Conférence citant notamment l’AfD.

Pendant ce temps, d’étranges opérations de sabotage tentaient de discréditer le ministre de l’économie allemand, membre du parti Grünen (les Verts allemands). Des pots d’échappement de voiture étaient bouchés à la mousse expansive et des autocollants à l’effigie du ministre avec le slogan « Soyez plus verts » étaient collés sur les véhicules.

Par ailleurs, une réplique de l’opération « Storm -1526 » aux Etats-Unis a multiplié les scandales montés de toute pièce en Allemagne sur sites copiant des médias allemands. Comble de cette double ingérence, le député européen du parti Alternative für Deutschland (AfD), Maximilian Krah, était interpellés par le Bureau fédéral d’enquête (FBI) américain au sujet de soupçons selon lesquels il aurait reçu de l’argent d’agents du Kremlin!

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