Par Gwenegan Le Fol, étudiant stagiaire à l’Observatoire géostratégique de Genève*
Depuis le retrait progressif des puissances occidentales, la Russie s’est affirmée comme un nouvel acteur de poids au Mali. Derrière l’étiquette d’un « partenariat stratégique » se cache une relation beaucoup plus ambivalente, mêlant coopération économique, présence militaire et influence idéologique. Cette étude menée dans le cadre d’un stage à l’Observatoire géostratégique de Genève propose une analyse approfondie de cette relation qui oscille entre alliance pragmatique et dépendance politique.
Les liens entre le Mali et la Russie remontent à 1960, à l’époque de l’indépendance du pays et de ses premiers pas dans le camp socialiste. Malgré des hauts et des bas au fil des régimes successifs, la coopération ne s’est jamais complètement interrompue. Depuis les années 2000, et surtout après le coup d’État de 2020, la relation s’est intensifiée : accords militaires, soutien diplomatique, partenariats économiques, mais surtout, déploiement des mercenaires du groupe Wagner.
La Russie apparaît désormais comme le principal fournisseur de sécurité du Mali. Le groupe Wagner, puis son successeur Africa Corps, assurent des fonctions de formation, de protection de sites miniers, et de combat. Mais les revers militaires, les exactions contre les civils, et l’absence de victoire décisive face aux groupes djihadistes et aux indépendantistes touaregs posent une question cruciale : la présence russe garantit-elle la sécurité ou fragilise-t-elle la souveraineté du pays ?
En parallèle du soutien militaire, la Russie mise sur une offensive d’influence : multiplication des bourses universitaires pour les étudiants maliens, création de médias favorables à sa présence (comme African Initiative), livraisons d’aide alimentaire et énergétique… Ce discours « anti-néocolonial » séduit une partie de l’opinion publique et légitime le pouvoir militaire malien.
Les intérêts de Moscou ne sont pas purement altruistes : or, hydrocarbures, position diplomatique stratégique… Le Mali, 3e producteur d’or d’Afrique, a cédé à la Russie le contrôle de plusieurs sites miniers, désormais protégés par Africa Corps. Des accords récents visent même à construire une raffinerie d’or à Bamako, renforçant la mainmise économique russe.
L’analyse de cette relation met en lumière une dynamique à double tranchant : le Mali trouve en la Russie un soutien sans condition, mais potentiellement envahissant. Derrière le discours d’émancipation se profile une nouvelle forme de dépendance. Si les Occidentaux ont déçu, le remède russe pourrait bien comporter ses propres risques. Dès lors, la question s’impose : le Mali maîtrise-t-il son partenariat ou s’en remet-il, de fait, à un protecteur stratégique qui pourrait, à terme, brider sa souveraineté ?
*Gwenegan Le Fol est étudiant en master à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO), spécialisé en études russes et relations internationales. Il maîtrise plusieurs langues (français, russe, anglais, espagnol) et a acquis une solide expérience de terrain à travers des séjours et stages à l’étranger, notamment au Kenya, en Tanzanie et en Corée du Sud. Passionné par la géopolitique, il a participé à plusieurs simulations internationales de type MUN (PIMUN, MUNWAR) et s’intéresse aux dynamiques de pouvoir postcoloniales, à l’influence russe et à la diplomatie alternative. Son stage à l’Observatoire géostratégique de Genève lui a permis de conjuguer son expertise linguistique, sa formation académique et ses compétences d’analyse pour explorer le repositionnement de la Russie au Sahel.
Retrouvez le document complet: https://doi.org/10.58079/13c8u
* Gwenegan Le Fol est étudiant en master à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO), spécialisé en études russes et relations internationales. Il maîtrise plusieurs langues (français, russe, anglais, espagnol) et a acquis une solide expérience de terrain à travers des séjours et stages à l’étranger, notamment au Kenya, en Tanzanie et en Corée du Sud. Passionné par la géopolitique, il a participé à plusieurs simulations internationales de type MUN (PIMUN, MUNWAR) et s’intéresse aux dynamiques de pouvoir postcoloniales, à l’influence russe et à la diplomatie alternative. Son stage à l’Observatoire géostratégique de Genève lui a permis de conjuguer son expertise linguistique, sa formation académique et ses compétences d’analyse pour explorer le repositionnement de la Russie au Sahel.