La liberté de religion ou de croyance au Pakistan est sous une menace constante, exacerbée par une montée en flèche de la violence religieuse et de la discrimination. Le rapport 2023/24 de la Commission des droits de l’homme du Pakistan ( HRCP) met en lumière une recrudescence des actes de haine motivés par des interprétations orthodoxes et régressives de la religion majoritaire, utilisées comme armes pour cibler les minorités, détruire des vies et réprimer des libertés fondamentales. Dans un contexte où l’État montre un manque flagrant de volonté politique pour endiguer cette crise, les minorités religieuses continuent de porter le poids de ces violations.
Le rapport détaille un éventail d’attaques religieusement motivées : lynchages, violence sectaire, conversions forcées de filles hindoues et chrétiennes, et démolitions de lieux de culte. En août 2023, un assaut brutal contre les communautés chrétiennes de Jaranwala a révélé l’étendue de l’intolérance religieuse, déclenché par de fausses accusations de blasphème. Plus de 80 foyers chrétiens et 24 églises ont été saccagés par une foule de 1 200 personnes. Le rapport dénonce l’impunité dont jouissent les responsables, souvent protégés par des influences externes sur l’appareil judiciaire.
L’augmentation alarmante des cas de blasphème, souvent alimentée par de fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux, souligne l’utilisation de ces lois comme outil de persécution. Les accusations de blasphème, portées à 225 cas en 2024, visent aussi bien des citoyens ordinaires que des membres de minorités religieuses, plongeant les accusés dans un cauchemar juridique interminable, où même l’acquittement ne garantit pas la sécurité.
Les minorités religieuses, notamment les Ahmadiyya, les hindous et les chrétiens, sont particulièrement vulnérables. Les Ahmadiyya continuent de subir des persécutions institutionnalisées, des arrestations arbitraires, la démolition de leurs lieux de culte et même des lynchages publics. La communauté chrétienne souffre également de violences récurrentes, comme le lynchage de Lazar Nazeer Masih à Sargodha en mai 2024, accusé à tort de blasphème.
Les filles hindoues et chrétiennes sont exposées aux conversions forcées et aux mariages précoces, des pratiques facilitées par l’impunité des responsables. La communauté Sikh n’est pas épargnée non plus, contrainte à l’exil en raison de menaces de mort et de conversions forcées.
Le rapport dénonce l’instrumentalisation de l’intolérance religieuse par des acteurs politiques qui exploitent les tensions religieuses pour leur propre gain. Les autorités de l’État, notamment les forces de l’ordre, sont accusées de complaisance, voire de complicité, en n’intervenant pas contre les foules violentes et en refusant de poursuivre les instigateurs de haine.
La Commission des droits de l’homme du Pakistan révèle également l’existence d’un « business du blasphème », un réseau criminel exploitant des jeunes en manipulant des accusations de blasphème via des contenus truqués diffusés sur les réseaux sociaux. Ce réseau a conduit à l’inculpation de 300 victimes, majoritairement des jeunes musulmans sunnites, et reflète un climat d’impunité aggravé par la corruption au sein de l’appareil d’État.
Pour contrer cette vague d’intolérance, le rapport appelle à une réforme radicale du système judiciaire et des forces de l’ordre, à une législation renforcée contre les discours de haine et à la création d’une commission nationale indépendante pour les droits des minorités. Il exhorte le gouvernement pakistanais à respecter ses obligations internationales en matière de droits humains et à protéger efficacement les minorités religieuses.
Malgré quelques avancées, comme la nomination de deux législateurs issus de minorités à des postes gouvernementaux, le chemin reste semé d’embûches. La violence systémique et la discrimination persistante continuent de mettre en péril la coexistence pacifique et la liberté religieuse au Pakistan. Le rapport appelle la communauté internationale à exercer des pressions pour garantir la justice et la dignité humaine à tous les citoyens pakistanais, indépendamment de leur croyance religieuse.