Au cœur de Genève, le Palais des Nations, siège européen des Nations Unies, est en pleine transformation. Lancée en 2017, la rénovation de ce symbole historique de la diplomatie mondiale devait initialement s’achever en 2024. Mais le chantier, d’une ampleur inédite, a pris du retard et vu son coût s’envoler. Entre modernisation nécessaire, contraintes budgétaires et défis logistiques, cette mue suscite autant d’espoir que de préoccupations.

Conçu dans les années 1930 pour accueillir la Société des Nations, l’ancêtre de l’ONU, le Palais des Nations n’était plus adapté aux exigences du XXIᵉ siècle. Ses infrastructures vieillissantes – ventilation, chauffage, électricité – nécessitaient une refonte complète. Le projet « Strategic Heritage Plan » (SHP) a donc été lancé avec un double objectif : moderniser le bâtiment tout en préservant son patrimoine architectural. L’ambition était aussi écologique : l’ONU s’est engagée à réduire drastiquement son empreinte carbone et à faire du Palais des Nations un modèle de durabilité.
Mais derrière ces nobles intentions, le chantier s’est avéré plus complexe que prévu. Initialement estimé à 837 millions de francs suisses (environ 880 millions d’euros), le budget a été revu à la hausse, atteignant désormais près d’un milliard de francs suisses. Une inflation due à plusieurs facteurs : la crise sanitaire, qui a perturbé les travaux et rallongé les délais, la flambée des coûts des matériaux, et la nécessité d’adapter les rénovations aux découvertes faites en cours de route. Réhabiliter un bâtiment classé tout en le rendant conforme aux normes modernes de sécurité et d’accessibilité s’est révélé être un défi titanesque.
D’après un rapport de la Cinquième Commission des Nations Unies, publié en 2019, un premier dépassement budgétaire de 33 millions de francs suisses avait déjà été signalé, portant le coût total à environ 870 millions de francs suisses. Mais avec les retards supplémentaires et l’inflation des coûts de construction, certaines estimations récentes laissent entendre que la facture finale pourrait dépasser le milliard de francs suisses. « Nous devons trouver un équilibre entre la modernisation nécessaire et la maîtrise des dépenses, » a déclaré un porte-parole de l’ONU, reconnaissant les difficultés du projet.
Les retards s’accumulent et la livraison complète des nouveaux espaces ne devrait pas intervenir avant 2026, voire 2027. Un contretemps qui impacte directement les fonctionnaires et diplomates travaillant sur place, contraints de jongler avec des bâtiments provisoires et des salles de réunion temporaires. Pour Genève, capitale mondiale de la gouvernance multilatérale, ce chantier interminable soulève des inquiétudes quant à la capacité de l’ONU à maintenir son efficacité opérationnelle.

Cette situation n’est pas sans rappeler la rénovation du siège des Nations Unies à New York, qui avait elle aussi connu une flambée des coûts, passant de 1,2 milliard à plus de 2 milliards de dollars au fil des années. Un constat qui alimente le débat sur la gestion financière des grands projets onusiens.
Malgré ces difficultés, le Palais des Nations rénové promet de devenir un modèle d’innovation et de sobriété énergétique. Une fois achevé, il devrait répondre aux standards les plus stricts en matière de développement durable, avec des panneaux solaires, un système de chauffage optimisé et une gestion des déchets plus efficiente. Mais à mesure que les échéances sont repoussées et que les coûts augmentent, une question demeure : le jeu en vaudra-t-il la chandelle ?