Paris a accueilli les 10 et 11 février 2025 le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, un rendez-vous décisif dans un contexte de course mondiale à l’innovation. Chefs d’État, chercheurs, dirigeants de la tech et représentants de la société civile se sont retrouvés pour débattre des enjeux stratégiques liés à cette technologie en plein essor. L’événement a aussi été l’occasion pour la France d’affirmer ses ambitions face aux géants américain et chinois, en mettant en avant une vision éthique et régulée du développement de l’IA.

« Nous devons faire de l’intelligence artificielle un levier de souveraineté et de progrès, sans jamais perdre de vue l’impératif d’éthique », a déclaré Emmanuel Macron en ouverture du sommet. Pour concrétiser cette ambition, le président français a dévoilé un plan d’investissement massif de 109 milliards d’euros, destiné à soutenir la recherche, à renforcer les infrastructures de calcul et à favoriser l’émergence d’acteurs français et européens compétitifs.
Si cette annonce a été saluée par l’écosystème technologique, certains experts soulignent les défis à relever pour que la France ne reste pas en marge de la révolution en cours. « L’argent est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons également attirer les meilleurs talents et créer un cadre législatif propice à l’innovation », a insisté Yann Le Cun, pionnier de l’IA et directeur scientifique chez Meta.
Le sommet a également mis en lumière des tensions géopolitiques majeures. Alors que la France, la Chine et l’Inde ont signé une déclaration commune en faveur d’une IA « ouverte, inclusive et éthique », les États-Unis et le Royaume-Uni ont choisi de ne pas s’y associer, redoutant une réglementation excessive. « L’innovation ne doit pas être étouffée par la bureaucratie », a plaidé Sam Altman, PDG d’OpenAI, lors d’une table ronde particulièrement animée.
Paris contre Genève : une bataille pour la gouvernance de l’IA
L’organisation de cet événement à Paris a aussi été perçue comme un acte stratégique, renforçant la position de la capitale française face à Genève, qui cherche à s’imposer comme le centre de la gouvernance numérique mondiale. Depuis plusieurs années, la ville suisse abrite de nombreuses initiatives en matière de régulation d’Internet et d’intelligence artificielle, notamment à travers l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et le Forum sur la gouvernance de l’Internet des Nations Unies. En accueillant ce sommet, la France a envoyé un signal fort en affirmant son rôle de chef de file européen sur ces questions.
« Ce choix de Paris n’est pas anodin », analyse un diplomate européen. « Cela montre que la France veut peser dans la définition des règles du jeu de l’IA et ne pas laisser Genève s’imposer comme le centre de la régulation numérique. C’est une bataille d’influence qui ne fait que commencer. »
Pour la France, cette réunion marque un tournant. Il ne s’agit plus seulement de réguler, mais aussi d’agir pour rattraper le retard face aux mastodontes américains et chinois. L’Hexagone mise sur une approche équilibrée, alliant innovation et encadrement, avec pour objectif de devenir un pôle d’excellence européen en matière d’intelligence artificielle. « Nous avons toutes les cartes en main : une recherche de pointe, des start-ups dynamiques et une volonté politique affirmée. Il nous faut maintenant transformer l’essai », résume Cédric O, ancien secrétaire d’État au numérique.