Par Gaston Côté, président
Cercle Canadien Francophone d’Analyse Géostratégique

Depuis le début de son second mandat, le président Trump a multiplié les attaques contre le Canada, remettant en question des décennies de coopération étroite entre les deux pays. Entre accusations de frontière poreuse, crise du fentanyl et dépenses militaires jugées insuffisantes, les prétentions du président américain semblent plus motivées par une stratégie de déstabilisation que par des faits avérés. Analyse d’une relation en pleine turbulence.
Depuis l’avènement du deuxième mandat du président Trump, celui-ci s’est lancé dans une bataille tous azimuts contre le Canada. Ses prétentions sont assez tenues tout en étant indicatives d’une méconnaissance totale de la relation unissant ces deux pays.
Parmi ses prétentions, il cite que le Canada a une frontière trop poreuse qui permet l’entrée d’immigrants illégaux aux États-Unis; ou, l’histoire des dernières années tend à prouver exactement le contraire ; en effet, l’épisode du « Chemin Roxham » est sans nul doute l’exemple le plus convaincant que la porosité de la frontière est un problème américain. Il suffit de retracer le trajet de ces immigrants arrivés aux États-Unis, se rendant dans la ville de Plattsburgh devenant les passagers d’une cohorte de passants américains qui amènent ces immigrants à la frontière canado-américaine pour les laisser pénétrer de façon illégale en territoire canadien. Les passeurs américains agissaient en toute impunité face aux autorités policières américaines.
La crise du fentanyl constitue une autre prétention du président Trump qui accuse le Canada et le Mexique de ne pas en faire assez pour empêcher la production et l’entrée de cette drogue dévastatrice sur le sol américain. On peut certes discuter sur les quantités provenant des deux pays identifiés dans cette prétention présidentielle mais, le fait demeure que si cette drogue entre en sol américain c’est parce qu’il existe aussi un réseau de vendeurs en territoire américain ce qui représente une cible logique sur laquelle devrait se concentrer les autorités américaines. Point à noter : la crise du fentanyl touche aussi la population canadienne qui doit aussi combattre ce fléau.
Une prétention du président a trait au fait que le Canada est à la traîne au chapitre des dépenses militaires. C’est sans doute le seul argument véridique que le président Trump peut invoquer car, le Canada tarde à atteindre la cible de deux pourcents du PIB selon la stratégie de l’OTAN. Outre l’OTAN, une nouvelle préoccupation est apparue récemment sur l’écran radar des stratégies américaines alors que les États-Unis ont découvert l’attrait du Grand Nord ; ce nouvel attrait tire son origine de la présence de ressources minières et gazières mais, aussi de l’intérêt pour cette région nordique par d’autres pays perçus comme adversaires comme la Russie et la Chine.
Autre prétention équivoque : le président Trump affirme que les États-Unis subventionnent le Canada pour environ 200 milliards de dollars américains. Il est difficile de situer cette prétention sans examen de la balance commerciale entre les deux pays ; le Canada exporte vers les États-Unis environ 412 milliards de dollars annuellement pour une balance des paiements commerciaux d’environ 63 milliards de dollars en faveur du Canada. On est donc loin du compte de 200 milliards exprimé par le président Trump. Il faut souligner que le déficit commercial annuel américain s’établit à environ mille milliards de dollars, situant ainsi la position du Canada dans l’équation du déficit commercial des États-Unis.
Sur le plan des relations canado-américaines, il est évident que les prétentions du président reposent sur des arguments, sinon inexistants du moins très faibles. Il est possible que ces prétentions constituent un élément de la stratégie du chaos visant à déstabiliser les politiciens canadiens afin de leur faire accepter des conditions commerciales plus favorables pour l’économie américaine. Ce qui est particulièrement troublant dans ce vaudeville politique est le fait que le président Trump tourne résolument le dos à tous ses engagements antérieurs tels que les cités dans sa stratégie présidentielle à l’aube de son premier mandat.
Peut-être devrait-on lire The Art of the Deal (Donald J. Trump) en même temps que La théorie du chaos (Henri Poincaré) afin d’éclaircir la stratégie actuelle du président Trump…