A Genève, la RDC a réaffirmé son offensive diplomatique pour la reconnaissance du “génocost” et présenté un fonds inédit de réparation des victimes. Kinshasa entend désormais porter cette bataille à New York.
La République démocratique du Congo poursuit sa campagne diplomatique internationale. Après Genève, où ses représentants ont été reçus par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme et se sont exprimés devant le Conseil des droits de l’homme, Kinshasa entend inscrire à l’agenda des Nations Unies la question des crimes de masse perpétrés sur son territoire depuis plus de trente ans. Cette démarche, qui vise explicitement le Rwanda et le mouvement armé M23, se poursuivra dans les prochaines semaines à New York, devant l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Le gouvernement congolais souligne néanmoins qu’il n’y a aucune incompatibilité entre cette offensive diplomatique et les négociations en cours avec Kigali.
À Genève, deux acteurs centraux de ce plaidoyer, Patrick Fata, directeur général du Fonds national de réparation des victimes (FONAREV), et François Kakese Simasa, coordinateur exécutif de la Commission internationale d’aide aux victimes et d’appui aux réformes (CIA-VAR), ont exposé les efforts entrepris pour répondre aux souffrances des victimes et dénoncer ce qu’ils qualifient de génocost — un génocide motivé par la prédation des ressources minières congolaises.

Créé en 2022, le FONAREV constitue une innovation institutionnelle sans précédent en RDC. Il dispose de financements pérennes et autonomes, tirés notamment des redevances minières, d’une taxe carbone et de contributions d’assurance. « Différemment d’autres établissements publics, le législateur s’est assuré que nous bénéficions de sources de financement régulières », a souligné Patrick Fata. « C’est un modèle inédit qui permet à l’État congolais de financer directement des services de réparation pour les victimes. »
Déjà, plus de 400 000 victimes ont été pré-identifiées. Des cliniques mobiles interviennent dans les provinces les plus touchées, telles que la Tshopo et l’Ituri, et les premières indemnisations ont été engagées pour les survivants disposant de jugements définitifs. « Nous avons voulu mettre en place une réponse innovante pour des millions de victimes, mortes ou survivantes, abandonnées depuis plus de trente ans de conflits », a insisté Fata. « C’est un travail de longue haleine, mais nous avançons dans la bonne direction. »
Pour François Kakese, le plaidoyer va plus loin encore : il s’agit de faire reconnaître par la communauté internationale la réalité des crimes commis. « Depuis plus de trente ans, de nombreuses études documentent des chiffres effarants allant de 10 à 12 millions de morts. Parmi ces crimes, il y a des violences extrêmes, dont des crimes de génocide. Tous reconnaissent l’existence d’une intention génocidaire, car des peuples entiers ont été décimés. La particularité de ce génocide est que son mobile repose sur l’exploitation des richesses du pays. C’est ce que nous appelons aujourd’hui le génocost. »
Un événement parallèle organisé lors de la 60ᵉ session du Conseil des droits de l’homme a permis de mettre en lumière cette tragédie, avec la participation de chercheurs, juristes et universitaires. Kakese a lancé un avertissement clair : « Il est urgent que le monde reconnaisse ce qui s’est passé, et ce qui continue malheureusement de se passer, dans un silence assourdissant. »
En inscrivant à l’agenda international la reconnaissance des crimes de masse et en proposant un mécanisme inédit de réparation, la RDC cherche à conjuguer mémoire, justice et reconstruction. Genève n’était qu’une étape : la bataille diplomatique s’annonce désormais à New York, où Kinshasa espère convaincre la communauté internationale que la question du génocost ne peut plus rester dans l’ombre.