Dans un monde fracturé par des tensions politiques, économiques et culturelles, le dialogue interreligieux s’impose comme un levier de diplomatie multilatérale essentiel. Il ne s’agit plus seulement d’échanges doctrinaux entre traditions spirituelles, mais d’un outil stratégique visant à pacifier les conflits, prévenir les extrémismes et favoriser la coopération internationale. Parmi les nombreuses plateformes mondiales propices à ces discussions, Genève se distingue par son statut unique de carrefour diplomatique et spirituel.

Historiquement, la ville suisse est un haut lieu de la diplomatie internationale. Accueillant le siège européen de l’ONU et de multiples organisations internationales, elle offre un terrain neutre, facilitant les négociations et les démarches de paix. « Genève est un espace où les voix du dialogue se rencontrent et s’entendent, loin des tumultes des conflits », affirme Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU. Par ailleurs, Genève a une longue tradition d’accueil des réfugiés politiques et religieux, consolidant son image de sanctuaire du dialogue et du respect des libertés fondamentales.
Le dialogue interreligieux trouve ici une résonance particulière. Il s’inscrit dans une dynamique où les leaders religieux jouent un rôle complémentaire aux diplomates. La présence d’institutions comme le Conseil oecuménique des Églises, qui rassemble plus de 350 confessions chrétiennes du monde entier, ou encore le Bureau des affaires interreligieuses des Nations Unies, témoigne de l’importance du facteur religieux dans les négociations internationales. « Le dialogue interreligieux ne doit pas être perçu comme une alternative à la diplomatie, mais comme un complément indispensable », souligne Olav Fykse Tveit, ancien secrétaire général du Conseil oecuménique des Églises. Loin de se cantonner à un dialogue éthique ou moral, ces échanges abordent des questions concrètes telles que la médiation dans les conflits, la lutte contre les discours de haine et la protection des minorités religieuses.
Genève s’impose aussi par son approche pragmatique du dialogue interreligieux. Contrairement à d’autres forums qui se limitent parfois à des discussions théoriques, la ville met l’accent sur l’application de solutions tangibles. Le Centre interreligieux de Genève, en collaboration avec des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, organise régulièrement des rencontres entre représentants religieux de zones de conflit. « Nous avons vu des adversaires se parler pour la première fois dans nos murs. Cela montre que le dialogue est possible », témoigne un responsable du Centre interreligieux. Ces initiatives permettent de bâtir des ponts entre différentes communautés et de rétablir la confiance dans des contextes marqués par la polarisation et la violence.

L’engagement de Genève en faveur du dialogue interreligieux s’inscrit aussi dans une tradition humanitaire forte. La ville abrite le siège du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui travaille avec des institutions religieuses pour garantir le respect du droit humanitaire dans les conflits armés. « Comprendre les convictions et les valeurs des différentes religions nous aide à intervenir de manière plus efficace dans les zones en crise », explique un représentant du CICR. Le croisement entre ces deux sphères, humanitaire et interreligieuse, permet de mieux comprendre les racines culturelles et spirituelles des tensions, et d’envisager des solutions plus inclusives et efficaces.
Cette dimension multilatérale du dialogue interreligieux à Genève attire également l’attention des diplomates et des dirigeants politiques. Ils reconnaissent que les religions ne peuvent être ignorées dans la construction d’un ordre mondial plus stable. De nombreuses crises contemporaines, du Moyen-Orient à l’Afrique subsaharienne, trouvent en partie leur origine dans des fractures religieuses mal gérées. Genève, en réunissant des acteurs variés et en favorisant un dialogue constructif, joue ainsi un rôle d’intermédiaire de premier plan.
Dans un contexte où les crispations identitaires s’accentuent, le modèle genevois de dialogue interreligieux pourrait inspirer d’autres initiatives à travers le monde. Sa force réside dans sa capacité à allier neutralité, expertise diplomatique et volonté de traduire les discussions en actions concrètes. « Genève incarne un espoir, celui d’un dialogue qui transcende les divisions et ouvre la voie à une diplomatie plus inclusive et résiliente », conclut un analyste des relations internationales.