Le canal de Panama et le port de Chancay : Une bataille stratégique entre Trump et la Chine

Photo of author

By Youcef Baadja

Par Youcef Baadja

Avec plusieurs années d’expériences dans le commerce international et la gestion de chaînes logistiques mondiales, j’ai observé de près les dynamiques économiques et géopolitiques qui façonnent le marché global. Loin des projecteurs, un théâtre clé de la rivalité sino-américaine se joue dans les infrastructures stratégiques d’Amérique latine. Le canal de Panama, passage vital pour le commerce maritime, est au cœur de cette bataille, mais un nouvel acteur entre en scène : le port de Chancay au Pérou. Ce projet d’envergure, financé par la Chine, ouvre une nouvelle porte d’entrée sur le continent et accentue l’influence de Pékin sur les flux commerciaux mondiaux.

La montée en puissance de la Chine en Amérique latine

Le canal de Panama est un pivot essentiel du commerce international. Chaque année, il voit transiter près de 6 % du commerce maritime mondial et constitue un passage obligé pour les échanges entre l’Atlantique et le Pacifique. Historiquement, les États-Unis ont toujours veillé à ce que cette voie reste sous leur influence. Cependant, depuis la rétrocession du canal au Panama en 1999, Pékin a su avancer ses pions avec habileté.

À travers ses entreprises d’État, la Chine a multiplié les investissements autour du canal de Panama, notamment en prenant pied dans les ports de Balboa et de Colón. Hutchison Port, filiale du conglomérat hongkongais CK Hutchison Holdings, gère les deux ports aux extrémités du canal, garantissant ainsi une influence chinoise grandissante sur le commerce régional.

Mais la stratégie chinoise ne s’arrête pas là. Pékin a récemment lancé un mégaprojet au Pérou : le port de Chancay. Construit par l’entreprise chinoise Cosco Shipping, ce port promet d’accueillir près de 130 millions de conteneurs par an. Ce projet devrait générer des revenus de 4,5 milliards de dollars annuels, soit 1,8 % du PIB total du Pérou. Cependant, des inquiétudes subsistent quant à l’impact environnemental et social, notamment pour les pêcheurs locaux. Le gouvernement péruvien tente de rassurer, estimant que 7 500 emplois seront créés grâce à cette infrastructure.

Le Mexique, un nouvel enjeu stratégique

Dans cette rivalité sino-américaine, le Mexique joue un rôle essentiel. Avec 73 % des marchandises américaines transitant par le canal de Panama, Washington craint de perdre son influence sur cet axe stratégique. Pékin explore donc des alternatives avec des investissements dans le développement du corridor transisthmique du Mexique. Ce projet vise à relier les ports de Salina Cruz (Pacifique) et Coatzacoalcos (Atlantique) pour proposer une alternative terrestre au canal de Panama. Une telle initiative pourrait renforcer le poids de la Chine dans le commerce régional et affaiblir encore davantage la position américaine.

Trump face à l’expansion chinoise

Donald Trump, dont la politique « America First » repose sur une logique protectionniste, pourrait voir dans cette situation une occasion idéale de réaffirmer la puissance américaine. Lors de son premier mandat, il n’a eu de cesse de dénoncer l’expansion chinoise et d’adopter des mesures coercitives pour freiner sa progression. Une nouvelle administration Trump pourrait se montrer encore plus agressive dans sa stratégie.

Parmi les options à sa disposition, Trump pourrait encourager des investissements massifs des entreprises américaines pour contrer l’influence chinoise au Panama et au Mexique. Il pourrait également exercer des pressions diplomatiques pour renforcer les liens avec ces pays et empêcher un basculement trop prononcé vers Pékin. Enfin, des mesures commerciales restrictives pourraient être adoptées contre les sociétés chinoises opérant dans la région.

Une guerre économique aux conséquences mondiales

Au-delà du canal de Panama et du port de Chancay, c’est toute la suprématie maritime américaine qui est en jeu. Si la Chine venait à renforcer son emprise sur ces artères vitales, elle pourrait sérieusement compromettre la liberté d’action des États-Unis sur le plan commercial et militaire. En cas de tensions accrues entre Washington et Pékin, un contrôle accru des infrastructures maritimes d’Amérique latine pourrait devenir un levier de pression stratégique pour la Chine.

Dans ce contexte, l’avenir du commerce mondial dépendra des décisions qui seront prises dans les mois à venir. Washington saura-t-il reprendre l’initiative face à l’influence grandissante de Pékin en Amérique latine ? Une chose est sûre : dans cette guerre économique, le contrôle des infrastructures stratégiques sera un enjeu de premier ordre.

Newsletter

Abonnez-vous à la newsletter de La Tribune des Nations et bénéficiez d’informations exclusives.