Le Soudan du Sud traverse une crise politique et humanitaire sans précédent. Le dernier rapport de la Commission des droits de l’homme des Nations unies dresse un bilan accablant de la situation en 2024, marquée par l’impunité, la violence ethnique, les violations des droits humains et une détérioration généralisée des conditions de vie. Malgré les engagements pris dans l’Accord revitalisé de paix de 2018, les autorités sud-soudanaises peinent à instaurer la stabilité, retardant les échéances politiques et laissant le pays sombrer dans un chaos grandissant.
Le prolongement de la transition politique, annoncé en septembre 2024 pour deux ans supplémentaires, illustre l’incapacité des dirigeants à mener à bien les réformes promises. Ce report s’accompagne d’une recrudescence des violences entre groupes armés et d’une militarisation accrue du pays. La situation est exacerbée par l’incapacité du gouvernement à organiser des élections crédibles et à instaurer un cadre constitutionnel durable. Pendant ce temps, la population continue de souffrir des conflits interethniques, de la répression et de la précarité économique.
Les combats entre factions rivales et l’absence d’une armée nationale unifiée alimentent l’insécurité. Des affrontements violents ont été signalés dans plusieurs États, notamment en Équatoria-Central, en Haut-Nil et à Warrap. À Tambura, les tensions ethniques entre les communautés Azande et Balanda ont dégénéré en massacres et en violences sexuelles, mettant en lumière l’impunité généralisée qui règne dans le pays. Les exactions commises par des milices locales, souvent soutenues par des factions politiques, continuent de se multiplier sans que des mesures de justice soient prises.
L’implication de forces de sécurité dans des exécutions extrajudiciaires constitue un autre sujet de préoccupation majeur. À Warrap, des dizaines de civils, y compris des mineurs, ont été exécutés sommairement par des soldats en 2024, en toute violation des lois nationales et internationales. Un rapport des Nations unies évoque une augmentation alarmante des exécutions sommaires, souvent justifiées par un prétendu cadre légal local. Ces actes, perpétrés avec la complicité d’autorités régionales, illustrent le déclin de l’état de droit et la normalisation de la violence institutionnalisée.
La répression politique s’intensifie également, notamment à travers les détentions arbitraires orchestrées par le Service national de sécurité. De nombreux militants, journalistes et opposants politiques sont arrêtés sans procès et subissent des tortures dans des centres de détention secrets. Les intimidations, les disparitions forcées et la censure sont devenues des instruments de gouvernance visant à museler toute forme de contestation.
Sur le plan humanitaire, le Soudan du Sud est confronté à une catastrophe de grande ampleur. Plus de la moitié de la population est en situation d’insécurité alimentaire aiguë, tandis que les déplacements de population atteignent des niveaux records. Le pays compte plus de 2 millions de déplacés internes et 2,28 millions de réfugiés dans les pays voisins. Le conflit au Soudan voisin aggrave encore la crise, avec un afflux massif de réfugiés soudanais fuyant la guerre. Les infrastructures sanitaires et éducatives sont en ruine, et l’accès aux services de base est de plus en plus compromis par l’insécurité et le manque de financements.
Les violences sexuelles restent omniprésentes, notamment dans les zones de conflit. Les femmes et les filles sont régulièrement victimes de viols, d’enlèvements et d’exploitation sexuelle. Ces crimes restent largement impunis, et l’absence de mécanismes de justice efficaces renforce la vulnérabilité des survivantes. De nombreuses victimes ne signalent pas les agressions par crainte des représailles ou de la stigmatisation sociale. Le manque d’accès aux soins médicaux et aux services de soutien aggrave leur détresse.
La situation des enfants est particulièrement alarmante. Le recrutement forcé d’enfants soldats, les enlèvements et les mariages précoces sont monnaie courante. En 2024, des milices affiliées aux factions armées ont kidnappé de nombreux enfants, les forçant à combattre ou à servir de porteurs et d’esclaves sexuels. L’effondrement du système éducatif, exacerbé par la pauvreté et la guerre, prive des millions d’enfants de leur droit fondamental à l’éducation.
Face à ces crises, la communauté internationale peine à imposer des mesures coercitives efficaces. Les initiatives de médiation, comme l’Initiative Tumaini pilotée par le Kenya, peinent à aboutir à des solutions concrètes en raison des divergences entre les parties prenantes. Les appels à la mise en place d’un tribunal hybride pour juger les crimes commis restent lettre morte, tandis que les dirigeants sud-soudanais continuent de privilégier leurs intérêts personnels au détriment de la population.
Le rapport de la Commission des droits de l’homme sur le Soudan du Sud constitue un avertissement sévère : sans une réforme profonde du leadership et une action internationale décisive, le pays risque de s’enfoncer dans un cycle de violence et de misère sans fin. L’avenir de la plus jeune nation du monde dépend désormais de la volonté de ses dirigeants à rompre avec l’impunité et à engager des réformes institutionnelles et politiques urgentes.