La situation des droits de l’homme en Haïti a atteint un niveau critique, marqué par une escalade de la violence des gangs, une crise humanitaire profonde et une instabilité politique persistante. Le récent rapport du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, présenté le 28 mars 2025 lors de la 58ᵉ session du Conseil des droits de l’homme, dresse un tableau alarmant de la situation dans le pays.
Expansion et violence des gangs
Depuis la visite de Volker Türk en Haïti il y a deux ans, la situation sécuritaire s’est considérablement détériorée. Les gangs armés ont étendu leur emprise sur des zones auparavant épargnées de Port-au-Prince et de ses environs, s’emparant d’infrastructures clés et défiant l’autorité de l’État. Ces groupes criminels, souvent mieux armés et plus nombreux que les forces de sécurité nationales, mènent des attaques coordonnées, semant la terreur parmi la population. Entre le 1ᵉʳ juillet 2024 et le 28 février 2025, au moins 4 239 personnes ont été tuées et 1 356 blessées, 92 % des victimes ayant succombé à des blessures par balle.
Prolifération des armes illégales
L’une des principales causes de cette escalade de la violence est la prolifération des armes à feu illégales. On estime qu’entre 270 000 et 500 000 armes circulent illicitement en Haïti, la majorité étant entre les mains des gangs. Ces armes, de plus en plus sophistiquées, ne sont pas fabriquées localement mais sont introduites clandestinement dans le pays. La mise en œuvre complète de l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que le gel des avoirs et l’interdiction de voyager pour les individus ciblés, sont essentiels pour endiguer ce flux d’armements.
Violations graves des droits de l’homme
Les gangs ne se contentent pas de contrôler des territoires ; ils imposent également leur propre forme de gouvernance, infligeant des punitions brutales à ceux qui défient leur autorité ou sont soupçonnés de collaborer avec la police ou des groupes d’autodéfense. Les violations des droits de l’homme sont omniprésentes, notamment les exécutions sommaires, les enlèvements et les violences sexuelles. Les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables, subissant des viols collectifs et des exploitations sexuelles utilisées par les gangs pour asseoir leur domination. Les services pour les survivants restent extrêmement rares.
Crise humanitaire et déplacements massifs
La crise sécuritaire a engendré une catastrophe humanitaire. Plus d’un million de personnes ont été déplacées, dont 40 000 au cours des dernières semaines. La moitié de la population haïtienne, soit 5,5 millions de personnes, est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë, avec deux millions en situation d’urgence alimentaire. Près de 6 000 déplacés vivent dans des conditions proches de la famine. Les enfants sont particulièrement touchés, avec plus de 500 000 déplacés et près d’un sur quatre souffrant de retard de croissance dû à la malnutrition, ce qui aura des conséquences à vie.
Efforts internationaux et défis persistants
Face à cette situation, la communauté internationale a tenté d’intervenir. Une mission multinationale de soutien à la sécurité, dirigée par le Kenya et soutenue par l’ONU, a été déployée pour aider la police haïtienne à lutter contre les gangs. Cependant, cette mission est confrontée à des défis majeurs, notamment un manque de personnel et de ressources. En février 2025, un officier de police kenyan a été tué lors d’une opération contre les gangs, soulignant les risques élevés auxquels sont confrontées les forces internationales.
Appel à l’action
Volker Türk exhorte les États à accélérer le déploiement de la mission multinationale et à assurer la pleine mise en œuvre des mesures du Conseil de sécurité, notamment l’embargo sur les armes. Il souligne également l’importance de s’attaquer aux causes profondes de la crise, telles que la corruption et l’impunité, qui ont alimenté et continuent d’alimenter la situation actuelle. Des efforts concertés sont nécessaires pour rétablir la sécurité, renforcer les institutions étatiques et mettre fin au cycle de violence qui ravage Haïti.
La communauté internationale est appelée à ne pas détourner le regard de cette crise humanitaire et sécuritaire qui menace de déstabiliser davantage non seulement Haïti, mais également la région dans son ensemble.