Le Canada face aux défis diplomatiques du retour de Trump

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By La rédaction

Le retour de Donald Trump sur la scène politique américaine rebat les cartes de la diplomatie mondiale et place le Canada face à de nouveaux défis. L’ancien président, connu pour son approche protectionniste et son rejet des engagements multilatéraux, a déjà laissé entendre qu’il pourrait remettre en question plusieurs accords bilatéraux avec Ottawa. « Si Trump revient, nous devons nous préparer à une diplomatie de confrontation », prévient Roland Paris, ancien conseiller de Justin Trudeau en matière de politique étrangère.

Depuis la fin de la guerre froide, la diplomatie canadienne s’est développée sous le signe du multilatéralisme, du respect du droit international et de la promotion des droits de l’homme. Cependant, les mutations géopolitiques de ces dernières années, marquées par la montée des tensions entre grandes puissances, l’érosion du système multilatéral et la multiplication des crises internationales, placent le Canada face à de nouveaux défis. Dans ce contexte, la diplomatie canadienne doit naviguer avec prudence pour préserver ses intérêts et son influence sur la scène internationale.

Historiquement, la politique étrangère du Canada repose sur plusieurs piliers fondamentaux : un engagement fort en faveur du multilatéralisme, notamment au sein des Nations Unies et de l’OTAN ; la promotion des droits de l’homme et de la gouvernance démocratique ; une politique de paix et de stabilisation, avec une implication active dans les missions de maintien de la paix ; et une relation stratégique avec les États-Unis, premier partenaire commercial et allié militaire du pays. Toutefois, ces principes sont aujourd’hui mis à l’épreuve par un environnement international de plus en plus polarisé.

L’affrontement stratégique entre la Chine et les États-Unis affecte directement le Canada, qui doit équilibrer ses relations entre ces deux superpuissances. L’affaire Meng Wanzhou a illustré les risques de cet équilibre diplomatique fragile, d’autant plus que l’arrestation de la dirigeante de Huawei avait entraîné des tensions avec Beijing et la détention de deux citoyens canadiens en représailles. Aujourd’hui, la Chine adopte une posture plus assertive, rendant la tâche d’Ottawa encore plus complexe. « Le Canada n’a pas la marge de manœuvre d’une grande puissance et doit jouer la carte de l’influence discrète », souligne le professeur Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur canadien à Beijing.

Avec le retrait des États-Unis de plusieurs accords internationaux sous la présidence Trump, et la multiplication des conflits géopolitiques, le Canada a vu son espace d’action diplomatique se restreindre. Face à une ONU affaiblie, Ottawa cherche à renforcer des alliances régionales et sectorielles, comme l’Accord Canada-Union européenne ou son adhésion au Partenariat transpacifique. Mais ces efforts se heurtent à une réalité : le Canada ne peut compenser seul la perte d’un acteur aussi central que les États-Unis dans l’ordre international.

La guerre en Ukraine a renforcé la politique canadienne de sanctions contre Moscou et son engagement à soutenir Kyiv, tant diplomatiquement que militairement. Justin Trudeau a affirmé que « le Canada sera aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra », mais cette posture n’est pas sans risque. Non seulement elle expose Ottawa à des mesures de représailles de la part de la Russie, mais elle oblige à revoir les flux d’approvisionnement en énergie et en ressources critiques.

Le Canada s’efforce également de jouer un rôle de leader en matière de lutte contre le changement climatique, notamment en promouvant des initiatives comme le financement des énergies propres dans les pays en développement. Cependant, les critiques internes sur son engagement effectif et ses exportations de pétrole et de gaz nuancent cette ambition. « On ne peut pas prétendre être un leader climatique en étant un grand exportateur de combustibles fossiles », assène Catherine Abreu, directrice de Destination Zéro.

Bien que les relations entre Ottawa et Washington restent solides, certains différends commerciaux persistent, notamment sur les questions de l’aluminium, du bois d’œuvre et des politiques protectionnistes américaines. Le Canada doit continuellement renégocier ses intérêts économiques face à son puissant voisin. « Nous avons toujours été le partenaire de second rang aux yeux des Américains, mais nous devons rester vigilants pour protéger notre économie », explique l’économiste Armine Yalnizyan.

Face à ces défis, la diplomatie canadienne doit adapter ses stratégies et renforcer son rôle sur la scène internationale. Quelques pistes stratégiques s’imposent : diversification des alliances en renforçant les relations avec l’Union européenne, l’Afrique et l’Asie du Sud-Est ; leadership en diplomatie climatique en capitalisant sur son expertise en énergies propres et en facilitant la transition écologique ; résilience économique en explorant de nouveaux marchés et en réduisant sa dépendance commerciale aux États-Unis et à la Chine ; consolidation du multilatéralisme en jouant un rôle actif dans la réforme des institutions internationales.

Dans une époque marquée par des tensions croissantes et des rapports de force en mutation, la diplomatie canadienne doit faire preuve de pragmatisme et de flexibilité. Alors que le monde se prépare à une possible réélection de Donald Trump, Ottawa doit anticiper les secousses à venir et redéfinir ses priorités pour ne pas subir les bouleversements géopolitiques à venir.

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