Ce n’est pas de la polique fiction. Le système multilatéral sur lequel a prospéré Genève est remis en cause. Ce qui se profile risque d’entrer en collision avec tout ce qui a fait sa force.
La remise en cause des grands équilibres avec l’émergence de nouveaux pôles de puissance fait planer une lourde menace sur l’avenir de la Genève internationale. La coûteuse rénovation du Palais des Nations ne permettra pas de sauver les meubles. L’influence de ce que l’on considérait, hier, comme l’une des places fortes du multilatéralisme est directement menacée. Les valeurs sur lesquelles sont bâties le système onusien n’ont plus le vent en poupe. L’édifice vacille, miné au niveau même de ses fondations.
La voix de Genève, si singulière, est de plus en plus marginalisée à l’international et contestée en Suisse même par d’autres cantons. L’arrivée de Donald Trump ne va pas arranger les choses. Mais il serait réducteur de le rendre responsable de ce qui s’annonce. Sa réélection est avant tout symptomatique de cette époque où l’ordre du monde connaît un moment de bascule qui va entrainer une redistribution des cartes.
Nichée au cœur d’une Europe en pleine crise d’identité, la Suisse risque de porter comme un croix ce qui faisait hier sa force. Dans l’ancien monde, elle avait sa place. Aujourd’hui, la perception de ce qui s’y joue a changé. Même l’action humanitaire déployée depuis Genève n’est plus perçue comme de la solidarité ou de la bienveillance. Mais plutôt comme un outil d’influence ou d’ingérence au service de l’ancien monde.
Au milieu de ce chaos dominé par la désinformation émerge de nouvelles aspirations. L’Afrique n’accepte plus la tutelle des anciennes puissances. La Chine, elle, veut imposer son agenda tandis que l’Amérique se replie sur elle-même. Les lignes ont bougé.
On pourrait se rassurer en se disant que Genève abrite des agences spécialisées qui jouent un rôle important en matière de régulation qu’il s’agisse du commerce, des télécommunications, de la santé ou encore du climat. Mais ce serait ignorer la puissance grandissante des acteurs économiques qui poussent à une dérégulation de l’entier des systèmes. Elon Musk est l’incarnation de ce libertarisme qui gagne du terrain et menace directement la Genève internationale et les valeurs humanistes qui l’ont nourries.
Toutes les digues ont lâché. Les réseaux sociaux ont contribué à lever un gigantesque écran de fumée sur ce qui se joue. Car ce n’est pas seulement un bouleversement géopolitique qui se dessine. C’est aussi un changement de civilisation. La conquête de l’espace et sa colonisation telle que l’imagine Elon Musk sera accordée aux plus riches et à ceux qui seront considérés comme supérieurement intelligents. Cet objectif a beau être lointain il n’en dicte pas moins la direction prise dès aujourd’hui pour faire le lit d’un eugénisme contraire à toutes les valeurs défendues à Genève. Nous ne sommes plus dans un roman de science-fiction mais belle et bien dans la réalité.