À Genève, lors de la 58e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’organisation Global Human Rights Defence (GHRD) a organisé un événement parallèle pour dénoncer les disparitions forcées au Pakistan. Sous la houlette de Charlotte Zehrer, porte-parole du GHRD, un panel d’experts s’est relayé pour dresser un état des lieux alarmant des violations des droits humains commises à l’encontre des minorités ethniques et religieuses du pays, notamment les Baloutches, les Sindhis, les Hindous, les Chrétiens et les Ahmadis.
Le GHRD venait tout juste de publier un rapport accablant sur l’ampleur de ces disparitions. « Les disparitions forcées sont utilisées comme une arme pour réduire au silence les voix dissidentes et soumettre les communautés minoritaires », a déclaré Charlotte Zehrer. Elle a dénoncé « l’impunité généralisée » qui entoure ces crimes et « l’inaction des autorités pakistanaises », pointant un bilan glaçant : 619 cas enregistrés rien que dans le Baloutchistan en 2024. Face à cette situation qu’elle qualifie de « crise humanitaire ignorée », elle a lancé un appel à « des réformes juridiques urgentes, des enquêtes indépendantes et un soutien réel aux familles endeuillées ».
Isabelle Wachsmuth, chef de projet à l’OMS et engagée sur le terrain, a souligné l’impact dévastateur de ces pratiques : « Les victimes et leurs familles vivent dans un état de traumatisme permanent, entre dépression, stress post-traumatique et perte totale de confiance ». Elle a insisté sur la nécessité d’apporter « un soutien psychosocial adapté » et a plaidé pour le rôle de l’art comme outil thérapeutique et de sensibilisation. « L’art rappelle notre humanité commune, il donne une voix aux oubliés. »
Le militant Jamal Baloch a livré un témoignage poignant sur la situation dans sa région natale, le Baloutchistan : « C’est une terre riche, mais son peuple vit dans la pauvreté et la peur. » Il a évoqué l’histoire déchirante d’une mère baloutche, qui revient à chaque découverte de corps pour identifier son fils disparu, après en avoir déjà perdu deux autres. « Ce n’est pas un cas isolé, c’est une stratégie systématique d’effacement. Ceux qui ont vécu cela savent qu’il s’agit d’un génocide », a-t-il affirmé avec gravité.
Ammarah Balouch, représentante d’ONU Femmes Royaume-Uni, a quant à elle mis en lumière une facette trop souvent ignorée : « Les filles sindhies sont enlevées, converties de force et mariées contre leur gré, parfois dès l’âge de 14 ans. » En 2024, plus de 1 200 cas de conversions forcées ont été recensés au Pakistan, dont 850 dans la seule région du Sindh. Elle a dénoncé une situation « incompatible avec la convention CEDAW », soulignant également « le manque d’accès à l’éducation pour plus de deux millions de filles ». Pour elle, il est urgent de « briser le cycle de l’oppression par des mesures concrètes ».
Enfin, Anwar Mehmood Rehman, homme politique suisse et militant ahmadi, a dénoncé la répression constante à l’encontre des musulmans ahmadis. « Ils ne peuvent ni prier, ni se revendiquer musulmans, ni célébrer l’Aïd », a-t-il expliqué, évoquant des scènes de violence et de vandalisme la veille même de cette fête religieuse. « Des graffitis appelaient à notre mort, citant les lois de persécution comme justification. Cette haine est institutionnalisée. »
À l’unisson, les panélistes ont réclamé l’arrêt immédiat des disparitions forcées et de la persécution des minorités. « La culture de l’impunité doit cesser, les responsables doivent enfin répondre de leurs actes », a martelé Charlotte Zehrer. Tous ont appelé la communauté internationale et les Nations unies à sortir de leur silence : « Il est temps d’amplifier la voix des opprimés et de faire pression, diplomatique et financière, sur l’État pakistanais. » Leurs voix ont été saluées par une salve d’applaudissements. Mais la véritable question reste entière : cet appel sera-t-il enfin entendu ?