Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, figures de proue de la contestation guinéenne, ont été enlevés par des militaires à Conakry il y a un an. Depuis, aucune nouvelle. Tandis que la junte garde le silence, la France, partenaire clé du régime, se tait également. Une disparition qui en dit long sur l’état des libertés dans le pays.
Un an après leur disparition, le silence persiste. Foniké Menguè (Oumar Sylla) et Mamadou Billo Bah, figures majeures de l’opposition guinéenne et piliers du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), ont été enlevés dans la nuit du 9 juillet 2024 à Conakry, dans des circonstances qui laissent peu de doutes sur l’implication directe des forces armées. Depuis, aucune trace d’eux. Ni la junte au pouvoir, dirigée par le général Mamady Doumbouya, ni les services de sécurité, ni les autorités judiciaires n’ont fourni la moindre information crédible sur leur sort.
Les faits sont graves. Ce soir-là, des militaires encagoulés sont arrivés en pick-up devant le domicile de Foniké, dans le quartier de Dixinn. Les deux militants ont été menottés, frappés, puis emmenés dans un lieu inconnu. Un troisième militant, Mohamed Cissé, également enlevé cette nuit-là, a été libéré le lendemain. Il a décrit avoir été détenu dans un camp militaire, interrogé sous la menace, et témoin des sévices infligés à ses camarades. Depuis son témoignage, les autorités n’ont ni confirmé ni infirmé la détention de Foniké Menguè et de Billo Bah. Une plainte pour disparition forcée a été déposée auprès du procureur de Paris, et les avocats des deux opposants ont également saisi la Cour pénale internationale.
Dans le pays, l’affaire a soulevé l’indignation. Associations de défense des droits humains, partis politiques, syndicats, mais aussi la société civile guinéenne ont exigé leur libération ou, à tout le moins, des informations claires sur leur lieu de détention. En vain. Plusieurs ONG internationales, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont tiré la sonnette d’alarme, dénonçant une stratégie de répression silencieuse menée par les autorités de transition contre les voix critiques.
Car Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah ne sont pas des cas isolés. Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte en septembre 2021, plusieurs opposants, journalistes et membres de la société civile ont été arrêtés arbitrairement, parfois torturés, souvent maintenus au secret. Leurs familles, leurs avocats, et parfois même les juges ne savent rien de leur sort. Une liste non exhaustive de ces disparitions circule dans les milieux militants, comme un triste inventaire d’une dérive autoritaire.
Face à cette situation, les partenaires internationaux de la Guinée ont été interpellés à plusieurs reprises. Parmi eux, la France, traditionnellement proche du pouvoir guinéen, est particulièrement visée. Malgré les interpellations répétées, les autorités françaises n’ont à ce jour formulé aucune position publique claire sur la disparition de Foniké Menguè et Billo Bah. Ce silence, perçu comme une forme de complaisance, voire de complicité tacite, suscite l’indignation de nombreuses organisations et militants des droits humains, qui dénoncent une diplomatie guidée par les intérêts stratégiques plus que par les principes.
Dans un pays où l’État de droit semble s’éroder un peu plus chaque jour, la disparition forcée de deux figures emblématiques de l’opposition constitue un signal alarmant. Elle installe un climat de peur et d’incertitude, renforce l’impunité des forces de sécurité, et réduit encore l’espace d’expression politique. Tant que les autorités ne rendront pas des comptes, tant que les partenaires étrangers ne hausseront pas le ton, la démocratie guinéenne restera suspendue à un silence : celui des disparus, et celui de ceux qui choisissent de ne pas les chercher.