En 2024, les exécutions ont bondi de 32 % selon le rapport annuel d’Amnesty International, atteignant au moins 1 518 cas recensés, un chiffre inégalé depuis 2015. Pourtant, paradoxalement, le nombre de pays procédant à des exécutions demeure historiquement bas : seuls quinze États ont appliqué la peine capitale l’an dernier, confirmant que ce châtiment reste l’apanage d’une minorité persistante.
Ce paradoxe reflète une double dynamique. D’un côté, un mouvement abolitionniste mondial continue de progresser, avec notamment l’abolition officielle de la peine de mort au Zimbabwe en décembre dernier et l’adhésion de la Zambie au protocole des Nations unies pour l’abolition. De l’autre, une résurgence brutale de son application dans certains pays, souvent dans des contextes autoritaires ou marqués par des tensions internes. Trois pays du Moyen-Orient – l’Iran, l’Arabie saoudite et l’Irak – concentrent à eux seuls 91 % des exécutions recensées, une statistique saisissante. En Iran, au moins 972 personnes ont été exécutées, dont plus de la moitié pour des infractions liées à la drogue, souvent après des procès entachés d’irrégularités. En Arabie saoudite, le nombre d’exécutions a doublé, tandis qu’en Irak, il a quadruplé.
Dans plusieurs États, la peine capitale est utilisée comme un outil de répression politique. Amnesty dénonce son usage pour faire taire des voix dissidentes, punir des minorités religieuses ou ethniques, ou encore faire un exemple en période d’instabilité. Les femmes, les enfants et les personnes issues de milieux défavorisés sont particulièrement exposés. Au moins huit personnes ont été exécutées pour des crimes commis alors qu’elles étaient mineures, en violation flagrante du droit international. Par ailleurs, de nombreux procès ayant mené à des condamnations à mort ont été jugés iniques, voire basés sur des aveux extorqués sous la torture.
La situation reste particulièrement opaque dans certains pays comme la Chine, la Corée du Nord ou le Vietnam, où les données sont classées secret d’État. Amnesty refuse de publier des estimations pour la Chine mais affirme que le nombre réel d’exécutions s’élèverait à plusieurs milliers. Cette absence de transparence alimente une inquiétude constante sur l’ampleur véritable du recours à la peine capitale.
Sur le continent américain, les États-Unis restent un cas à part. Seul pays de la région à avoir exécuté des détenus en 2024, avec 25 exécutions recensées dans neuf États, ils illustrent une résistance persistante à l’abolition. L’Alabama a même expérimenté une nouvelle méthode : l’asphyxie à l’azote, dénoncée comme potentiellement assimilable à de la torture par les experts de l’ONU. Pourtant, des signes d’inflexion existent : le président sortant Joe Biden a commué 37 condamnations à mort au niveau fédéral, et plusieurs États continuent de geler les exécutions. En parallèle, la tendance mondiale est sans équivoque : plus des deux tiers des États membres de l’ONU ont voté en décembre dernier en faveur d’un moratoire international, un niveau de soutien encore jamais atteint.
Le rapport souligne aussi l’absurdité persistante de l’argument dissuasif. Dans plusieurs pays, la peine capitale continue d’être brandie comme une réponse à la criminalité, en particulier au trafic de drogue, malgré l’absence de preuves crédibles de son efficacité. En 2024, 42 % des exécutions recensées ont été liées à des infractions de ce type. Là encore, ce sont souvent les populations les plus vulnérables qui en paient le prix fort.
En filigrane de ces chiffres, un message se dégage : le monde avance vers l’abolition, mais les reculs sont brutaux. Face à cette réalité, Amnesty International appelle à une mobilisation renouvelée. Le combat contre la peine de mort n’est pas seulement juridique ou politique, il est profondément moral. Tant qu’un seul État s’arrogera le droit de tuer au nom de la justice, ce combat restera essentiel.